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Vivre sa spiritualité : entre l’humain et le divin.

Posted on 27 December, 2014 at 16:21



« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant des expériences spirituelles, mais des êtres spirituels vivant une expérience humaine »
(Robin S. Sharma, « Le moine qui vendit sa Ferrari )
 
« La vie spirituelle n'est peut-être rien d'autre que la vie matérielle accomplie avec soin, calme et plénitude » (Christian Bobin, « La lumière du monde »)
 
 
Les fêtes de Noël, avec leur lot de repas, de cadeaux et de réjouissances, nous font presque oublier la dimension éminemment spirituelle de l’événement. Attablé en face du Lac de Morat en ce samedi 27 décembre 2014, je ressens le besoin de me pencher sur ce que veut dire le mot « spiritualité », que cela soit en lien avec la fête de la naissance de Jésus ou pas.
 
Ma première question concerne le concept de « spiritualité » lui-même : est-il possible de restreindre les réalités plurielles et complexes que couvre le terme par une seule définition ? Je partage la conviction de Marc de Smedt dont il fait état dans une de ses chroniques : « il y a autant de spiritualités qu’il y a d’êtres humains ». Je me contenterai donc de parler de mes représentations pour me permettre d’y voir plus clair dans ce qui m’habite au quotidien : si cela peut aider d’autres personnes à mieux cerner les contours de leur spiritualité, tant mieux – mais je m’en voudrais de faire preuve de prosélytisme en voulant rallier d’autres personnes à une doctrine.
 
Ma vision de la spiritualité est essentiellement humaniste, au sens où l’entend Frédéric Lenoir dans son ouvrage La guérison du monde : l’être humain est fondamentalement religieux, car, si l’on s’en tient à l’étymologie latine du mot, « religere » veut dire « être relié », « être en relation ». Chaque individu est ainsi un microcosme relié au monde, lui-même relié à tous les êtres, vivants (ou morts ?), humains ou non humains.

Cette interdépendance – que l’on retrouve également dans la philosophie bouddhiste, dans les réflexions systémiques ou en physique quantique – donne un sens à mon être là : il est de ma responsabilité de rester relié à moi-même, car, ce faisant, je soigne le lien avec les autres et le monde.
 
Dans leur ouvrage Pour une écologie intérieure, Marie Romanens et Patrick Guérin parlent à leur tour de « reliance », c’est-à-dire de la capacité de dialoguer avec soi, avec ses ombres et ses lumières, pour pouvoir entrer de manière pertinente et constructive en dialogue avec les autres. Dans ce sens, la spiritualité passe par une quête d’intériorité et, pour moi, par des moments de solitude qui me permettent de me recentrer, me « re-sourcer ». Je rejoins ainsi Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste vietnamien, quand il dit que « le véritable processus de paix, c'est de retourner en vous-mêmes, de vous réconcilier avec vous-mêmes et de savoir comment faire face à vos propres difficultés : le désespoir, la suspicion, le peur, la colère. Vous pouvez ensuite passer à la deuxième étape et aider l'autre. » (La paix en soi, la paix en marche)
 
Et c’est là un autre aspect de la spiritualité telle que je la vis au quotidien : accueillir la dualité propre à chaque individu. Car nous sommes doubles. À la fois humains, êtres de chair, de sang, d’émotions et de passions, de peurs et de joies, d’angoisses et d’espérances. Et nous sommes aussi des enfants de la Vie, habités par le silence, la paix intérieure et nos « refuges de l’essentiel » (Marie Lise Labonté).
 

Maître Eckhart, mystique rhénan du 13 et 14 siècle, met d’ailleurs en garde celle ou celui qui entend la spiritualité comme un remède qui anesthésierait les ombres propres à notre humanité : « Si l'homme trouve en Dieu satisfaction, c'est que Dieu n'est pas Dieu ». Car c’est aussi cela, vivre sa spiritualité : être conscient de ses propres contradictions et les accueillir avec amour, car de les juger et de vouloir les éradiquer reviendrait à les renforcer. « Le lotus a besoin de boue pour pousser », nous rappelle Thich Nhat Hanh.
 
Stéphane Allix, journaliste et auteur du livre La mort n’est pas une terre étrangère, nous invite d’ailleurs à nous préparer consciemment à mourir en étant le plus vrais possibles et à ne pas tricher avec nous-mêmes en faisant face à nos émotions négatives et conflictuelles : il vaut mieux les transformer de notre vivant plutôt que se retrouver nez-à-nez avec elles dans nos derniers instants de vie…ou même après ?
 
Maître Eckhart nous renvoie cependant à notre responsabilité qui consiste à ne pas nous laisser envahir par nos créations mentales et humaines : « Dieu nous rend souvent visite, mais la plupart du temps, nous ne sommes pas chez nous. ». « Être chez soi », « retourner en soi » : pour qui s’intéresse à la spiritualité et se penche sur des lectures en lien à la thématique, ces termes reviennent inlassablement. Mais, concrètement, où ce « chez soi » se trouve-t-il ? Et comment y accéder ?
 
Dans son livre, « Vivre sa spiritualité au quotidien », Pierre Pradervand nous rappelle, entre autres, que le mot « spirituel » est dérivé d’un mot latin, « spiritus », signifiant le souffle. Le fait d’être attentif à ma respiration dans tous mes actes me permet donc d’entretenir le Souffle, de maintenir le lien avec la Vie et avec moi-même. Et de rester à l’écoute du « dénominateur commun de toute religion » (Marc de Smedt), le silence qui, comme nous le présente Jacqueline Kelen dans son ouvrage La puissance du cœur, « nettoie et purifie en opérant une distinction entre ce qui est essentiel et ce qui n'est qu'accessoire » et « permet de se délester de l'illusoire, du factice ».
 

Quelques pages plus loin, l’auteure française nous met cependant en garde : la quête du silence a un prix, car « à celui qui a savouré l'ampleur et la fraîcheur du silence, deviennent insupportables les débats et discussions, les réunions de famille autant que les colloques intellectuels : ceux-ci obstruent la source de la Parole au lieu d'en faire entendre les ruissellements. L'être de silence et de solitude a besoin d'air, d'espace, parce que dans le silence et dans la solitude il a fait l'expérience inoubliable du large et de la profondeur. Désormais, tout le reste paraît plat, superficiel, terriblement étroit. ».
 
Il est vrai que les sentiments de décalage et d’ennui m’habitent depuis des années lorsque je me trouve en société ou en famille. Ma crise spirituelle et mon éveil consécutifs à mon burn-out m’ont permis de mettre des mots sur une impression jusqu'alors diffuse et confuse. Et aussi de ne pas tomber dans le jugement en me croyant supérieur, car investi d’un « super pouvoir » : pour moi, vivre sa spiritualité ce n’est pas seulement accueillir sa part humaine avec bienveillance mais également l’humanité des et chez les autres. Humilité, bénédiction, compassion et amour inconditionnel sont donc au rendez-vous……ou devraient l’être : j’avoue ne pas être un saint et que très – trop –  souvent je me surprends à juger, à évaluer et à me mettre parfois dans des états qui me surprennent et me désolent à la fois.
 
Et, dans ces moments, je me dis que je me passerai bien de cette conscience qui m’invite à m’observer, voire même à m’observer quand je m’observe (un principe cher à la méditation de la pleine conscience). Je pourrais en effet me dire, comme Alexandre Jollien à l’issue de son Petit Traité de l’abandon. Pensées pour accueillir la vie telle qu’elle se propose, que "vous tournez autour du pot. Vous cherchez la simplicité, l'abandon, la joie. Vous êtes déjà tout cela. Laissez vos questions. Laissez tout de côté et soyez heureux !". Je pourrais aussi me convaincre, comme l’avance Christian Bobin dans la citation en exergue à ce texte, que vivre sa spiritualité c’est agir en étant constamment en paix avec moi-même et le monde.
 
Oui, je pourrai me dire tout cela…mais cela ne serait pas moi. Car, vivre sa spiritualité, c’est, pour moi, se « co-naître », c’est re-naître chaque instant, chaque jour à soi-même. Avec ses joies et ses peines, avec ses forces et sa vulnérabilité. Pour accéder à une plus grande maturité, à plus de sagesse. C’est fêter Noël chaque jour : célébrer la  naissance – avec ses contractions suivies de la lumière – d’un homme à la fois être divin et être humain, . La naissance d’un être spirituel amené à vivre une expérience humaine. Une ascèse, une quête, un pèlerinage, un voyage qui importe plus que la destination elle-même.
 
Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2015, riche en moments d’humanité et de spiritualité, en fonction de ce que chacune et chacun ressent au plus profond de soi-même, dans son silence intérieur. 
 

 NB : Les photographies publiées sur cette page ont toutes été prises par mon fils, Félix, dont je salue la sensibilité : il a trouvé une manière d'exprimer sa spiritualité qui lui correspond. Chapeau fiston !

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