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Être audacieux : la peur au ventre ?

Posted on 15 November, 2014 at 17:18

« La logique vous conduira d'un point A à un point B, l'imagination et l'audace vous conduiront où vous le désirez. » (Albert Einstein)
 
« Ce qui libère, c'est de ne plus avoir peur d'avoir peur. » (Thomas d'Ansembourg)
 
Hasard ou stratégie éditoriale ? Deux revues françaises, Psychologies Magazine et Clés, ont décidé au même moment, soit en octobre 2014, de consacrer un dossier pour la première et un article pour la deuxième à une thématique commune : l’audace. Le monde et tout particulièrement la France en auraient-ils si urgemment besoin pour que ces titres-phare du développement personnel de l’Hexagone se sentent investis de la mission d’en rappeler l’existence ?
 
Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord définir ce que signifie être audacieux en nous appuyant sur les articles en question. Pour Elsa Godart, collaboratrice à Psychologies, « l’audace est l’énergie de ceux qui sortent de leur condition » et qui osent affirmer « je suis moi ». Il s’agit donc de se risquer sur des voies nouvelles, de sortir du troupeau, de rompre les rangs, de faire preuve de culot, de faire preuve de subversion et d’anticonformisme.
 
Mais attention : penser que l’audace équivaut à un acte de provocation gratuit et narcissique, histoire d’attirer l’attention et de nourrir son ego serait faire fausse route. La finalité de l’être audacieux est principalement de rechercher un progrès pour soi et/ou pour les autres, une évolution qui s’inscrit dans une recherche de sens. Faire preuve d’audace passe par exprimer ses convictions tout en respectant celles des autres pour devenir ce que l’on veut être – et non ce que les autres aimeraient que l'on soit ou que l'on devienne.
 
Philosophe, chercheur au CNRS et membre du conseil éditorial de Clés, Roger-Pol Droit appuie les propos ci-dessus en citant le « sapere aude » (« ose savoir ») que Kant a emprunté à Horace. Cette devise fait allusion à l’absolue nécessité de penser par soi-même afin de se libérer des conditionnements que la société véhicule au quotidien, que cela soit par les médias, par la publicité ou par d’autres canaux encore plus subtils comme l’éducation, l’école et la formation.
 
En plus de l’esprit qui anime l’audacieux, l’auteur fait également allusion au processus qui en découle : faire preuve d’audace, c’est prendre des risques – certes calculés de manière à éviter soit le « risque zéro » soit l’échec assuré. Des décisions suffisamment déraisonnables toutefois pour que le cœur l’emporte sur la peur et que l’entreprise naisse d’une décision qui pourrait paraître folle à certains…y compris à celle ou celui qui s’y lance.

Car c’est là où réside la puissance de l’audace : « faire que les rêves s’inscrivent dans le réel » et que l’individu – ou le groupe – qui « se jette à l’eau » se donne toutes les chances de s’affirmer au-delà de ce qu’il pense être capable de réaliser.
 
Or, en ces temps où prévalent des valeurs de sécurité, de protection(nisme), de (auto)défense et de contrôle en réponse au climat de peur généralisée, rien n’est moins facile que de faire preuve d’audace. Selon Roger-Pol Droit, le rêve aujourd’hui, c’est d’être à l’abri et le fait de prendre des risques fait peur : n’en court-on déjà pas suffisamment dans la vie de tous les jours, ailleurs plus qu’ici ?
 
Et pourtant. Les personnes dont j’ai la chance d’accompagner les chemins de vie me démontrent le contraire : leur volonté de changer, de se remettre en question et de gagner en liberté individuelle est bien présente. Même si, lorsqu’il s’agit d’aborder leurs valeurs et leurs contre-valeurs, l’audace fait rarement partie de la liste, cette énergie leur est nécessaire, vitale et essentielle. Car, dans l’urgence de vivre, ces personnes ne sont souvent sûres que d’une seule chose : elle ne veulent pas revivre ce qu’elles ont vécu ou ce qu’elles sont en train de vivre.

Après une phase d’accommodation lors de laquelle elles ont correspondu aux attentes des autres et négligé certaines facettes de leur être, elles réalisent qu’elles se sont laissées enfermer, au mieux dans une cage dorée, au pire dans une prison plombée. Et veulent à tout prix s’en libérer en affirmant progressivement et avec force leurs besoins, leurs rêves oubliés ou leurs désirs inassouvis. Ce qui, on s’en doute, ne va pas sans conflits avec leur entourage, personnel et professionnel. Car, que cela soit pour la personne directement concernée ou pour celles qui sont touchées de près par son audace, elles partagent la même émotion : la peur.
 
Pour celui ou celle qui cherche à s’affirmer et à être soi, la peur de revivre des situations plus ou moins traumatisantes représente un extraordinaire moteur et donne une force parfois surhumaine dans des situations pourtant de grande vulnérabilité. Pour ceux qui assistent à l’envol, la peur est doublement présente : d’un côté parce que l’audacieux met à mal leur besoin de sécurité et, de l’autre, parce que de voir l’autre prendre des risques les renvoie à leur propre difficulté d’oser leur vie et, donc, à leurs propres prisons, intérieures ou extérieures.
 
« Pour se libérer, il faut se savoir esclave ». Cette phrase d’Alexandre Jollien tirée de son livre, « Le philosophe nu » me touche particulièrement car elle résume assez bien, à mon sens, l’ambiguïté de l’audace, du moins telle que je l’ai vécue et la vit, soit à titre personnel soit en l’observant chez les autres : la peur est à la fois le principal obstacle et la source première de l’audace.


Ce qui permet de basculer d'une logique à l'autre réside dans la prise de conscience, souvent déclenchée par un facteur interne (maladie, accident) ou externe (licenciement, mobbing, séparation), qui fait tomber le voile et donne à celui qui ouvre les yeux la possibilité de voir au-delà des murs, par delà les limites que nous nous sommes mises ou que nous nous sommes laissées mettre. Et cette perspective est génératrice d’envie, d’en-vie et de vie. Donc d’audace, même embryonnaire.
 
J’aimerai conclure (de manière audacieuse ?) par le partage de deux moments d’émotions.
 
La première situation concerne une de mes clientes à qui les larmes sont montées aux yeux dans le cadre d’une séance d’accompagnement autour de la gestion du temps, lorsqu'elle prend conscience qu’elle ne se donne pas (ou pas assez) de permissions. À ma question qui l’interroge sur comment elle se sent à ce moment-là, elle répond, la voix quelque peu tremblante : « Ça fait envie ! ». Un petit pan de mur intérieur venait de tomber, faisant émerger le désir de découvrir la nouveauté…ainsi que la peur de l’inconnu.
 
Le deuxième épisode concerne l’émission Vacarme du 5 septembre dernier (http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/vacarme/6083580-vacarme-du-05-09-2014.html) lors de laquelle j’ai témoigné de mon expérience du burn-out. À son écoute, j’ai pleuré de joie, certes, mais surtout parce que je me suis souvenu – et mon corps avec moi – des crises de panique et d’angoisse quotidiennes, de l’anxiété et des peurs qui m’ont tenaillé le ventre (et le terme « tenaillé » n’est vraiment pas usurpé) tout au long des années qui ont suivi la « rupture ». Et qui sont à l’origine de l’audace dont j’ai fait preuve depuis 2008. Beaucoup de personnes me disent que je peux en être fier. Je le suis, mais ce n’est pas ce sentiment-là qui prévaut, mais bien la peur, omniprésente : celle de me laisser à nouveau enfermer dans d’autres prisons. L’audace est donc plus que jamais de mise.
 
Je vous souhaite à toutes et à tous d’être audacieux et d’avoir la force, pour cela, d’accueillir vos peurs les plus enfouies : elles seront vos plus précieuses alliées.

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