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Un chemin, des rencontres

Posted on 8 January, 2014 at 8:53

 
« Il y a les personnes qu’on rencontre et celles qu’on croise. Chaque rencontre nous modifie, mais on ne rencontre pas par hasard »
 
Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris : Odile Jacob, 2012, p. 243
 
Que la vie soit une expérience complexe tient du pléonasme. Une des meilleures façons d’embrasser cette complexité pour la rendre plus compréhensible, sans toutefois la dépouiller des multiples facettes qui en font l’originalité, s’avère être la métaphore : une image qui réussit à la fois à rendre la réalité intelligible tout en maintenant le mystère. Les contes offrent souvent cette double lecture, car leur langage est universel – il s’adresse à tous et permet à chacun de se reconnaître dans l’histoire relatée.
 
En ce qui concerne mon propre chemin de vie, une des plus belles fables que je connaisse est d’origine japonaise et narre le parcours d’un samouraï, valeureux mais fatigué, dont l’âme l’informe qu’elle le quitte. Horrifié par cette nouvelle, le guerrier se met à sa recherche. Son cheminement est jalonné de rencontres. À chacune d’entre elles, il parle de sa mésaventure et obtient un indice supplémentaire pouvant le conduire à retrouver son âme : il apprend tout d’abord qu’il doit réapprendre à pleurer, puis que, pour ce faire, il ne peut faire autrement que de se rendre au Paradis et en Enfer. De chaque rencontre, il repart avec quelques éléments de réponses à ses questions sans pourtant obtenir LA solution.
 
L’ultime rencontre lui ouvre les portes de l’endroit où il retrouvera son âme, entre larmes de colère, de tristesse et de joie profonde : en lui-même. Ce qu’il cherchait à l’extérieur de son être – le Paradis et l’Enfer – se cachait depuis toujours en lui, au fond de son cœur, au cœur de son âme. La plus belle rencontre que le Samouraï aura donc faite grâce à son périple et grâce aux personnes qui l’auront accompagnées, chacune sur un bout de chemin, aura donc été la rencontre avec lui-même. (Henri Gougaud, L’arbre d’amour et de sagesse. Légendes du monde entier. Paris : Editions du Seuil, Collection Points, 1992, p. 156-158 ou http://www.cles.com/chronique/l-enfer-le-paradis).
 
Il m’aura fallu des mois voir des années pour comprendre toute la richesse de cette histoire et je me demande même si j’y suis complètement parvenu aujourd’hui. Ce que j’ai envie d’en retirer dans ces lignes relève des rencontres. Non pas ces moments où l’on croise une personne pour échanger avec elle des propos superficiels et futiles, en lien avec les personnages et les rôles que nous jouons dans le théâtre de la vie. Mais ces parenthèses hors de tout espace-temps où chacun parle du centre de son être, se livre ne serait-ce qu’un peu, partage sa vulnérabilité, son expérience de vie, ses blessures, ses doutes et ses interrogations. Des communions qui permettent à chaque personne impliquée de se sentir moins seule, de découvrir une sœur ou un frère qu’elle ne connaissait pas encore. Des oasis initiatiques qui participent au développement de chacun, l’aident à grandir et à avancer sur son chemin de vie.
 
« Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent » disait Paul Valéry, visionnaire et fin connaisseur de l’âme humaine. Les vrais rencontres ne sont en effet possibles que lorsque les personnes concernées sont d’accord de laisser tomber le masque, de ne pas tricher, ni avec elles-mêmes ni avec l’autre. De ne plus jouer un rôle mais d’être, simplement. C’est ainsi que, de ses instants volés à l’éternité, peuvent naître des amitiés profondes car sincères. Et dont la durée dépend du rythme auquel chacun chemine vers soi.
 
Dans la citation en exergue, Cyrulnik affirme que les rencontres n’arrivent pas par hasard et j’abonde dans son sens : si je repense à ces dernières années, je réalise que je n’aurai pu rencontrer telle personne ou telle autre à un autre moment qu’à celui où nos chemins de vie se sont croisés. Car les fruits étaient mûrs, autant pour l’un que pour l’autre. Nous étions prêts à partager un bout de chemin, aussi petit ou grand soit-il, parce que, pour quelques minutes ou pour plusieurs années, nous en sentions le besoin. Comme un élan de vie, une évidence, un « ça va de soi ». Et ce n’est certainement pas un hasard que j’écris ces quelques lignes depuis un endroit qui se situe « À la croisée des chemins », à Premier, au-dessus de Romainmôtier, un havre d’humanité et de bienveillance où j’ai eu le privilège de rencontrer (et non de croiser) Rose-Marie qui, avec son mari Édouard, tient deux chambres d’hôtes : j’y ai vécu un partage basé sur un profond respect de l’autre (Pour plus d’informations : www.merica.ch/Briod).
 
Cela dit, ces rencontres qui nous accompagnent sur notre chemin de vie ne sont pas qu’humaines. L’  « autre » peut en effet prendre plusieurs formes : un livre, un arbre, un paysage, un animal, l’écriture, un film…..Toute opportunité susceptible de réveiller en nous notre âme et nos émotions, de nous permettre d’être toujours plus conscients de cette vie qui bat en nous-mêmes et, donc, de grandir, de déployer nos ailes et d’avancer sur notre chemin de vie, est une rencontre avec nous-mêmes. Et, si on y fait attention, les occasions sont nombreuses. Mais peut-être ne sommes-nous pas toujours prêts à nous rencontrer et, par là, à permettre à d’autres de nous découvrir et, à travers la relation, à se dévoiler. Ou peut-être avons-nous quelque chose à protéger.
 
« Toute rencontre est un déroutement qui peut mener à la déroute » (Lytta Basset, Aimer sans dévorer. Paris : Albin Michel, 2010, p. 227) : chaque rencontre est en effet une prise de risque qui peut certes nous faire progresser mais également nous fragiliser. À partir du moment où l’on est d’accord de partager ses blessures, de se mettre à nu, il est nécessaire d’assumer cette vulnérabilité. Une fragilité qui, selon les circonstances et les personnes, s’avère parfois difficile et douloureuse à gérer.
 
Dans le conte du samouraï, un ermite humilie le guerrier à un tel point qu’il s’en faut de peu pour que le sabre ne tranche la tête du moine. Et c’est pourtant à ce moment-là que notre valeureux héros japonais découvre que l’Enfer est en lui. C’est aussi ce qui déclenche en lui des larmes de joie : il a trouvé la porte qui le mène au Paradis. Et il a entrevu, grâce à la tendresse de son vis-à-vis, ce qui l’aiderait dans sa quête : l’amour – autant pour l’autre personne que pour lui-même.
 
Toute vraie rencontre est donc une (re)découverte que ce que nous avons de plus précieux se cache en nous et s’avère être notre humanité, avec ses ombres et ses lumières, ses joies et ses peines, ses contradictions et ses vérités. Et c’est la rencontre et l’accueil de cette vie en nous qui nous permet à la fois de créer notre vie et d’être créé, façonné par elle.


Car, « la vie est folle n'est-ce pas ? C'est pour ça qu'elle est passionnante. Imaginez que nous soyons équilibrés dans une existence paisible, il n'y aurait ni événement, ni crise, ni travaux à surmonter, de la routine uniquement, rien à mettre en mémoire : nous ne serions même pas capables de découvrir qui nous sommes. Pas d'événements, donc pas d'histoire, pas d'identité. Nous ne pourrions pas dire : "Voilà ce qui m'est arrivé, je sais qui je suis puisque je sais ce dont je suis capable face à l'adversité". Les êtres humains sont passionnants parce que leur existence est folle. » (Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris : Odile Jacob, 2012, p. 43-44)
 
Et, puisque j’ai commencé mon texte par un conte, j’aimerais le conclure par une petite histoire d'origine chinoise qui illustre justement la nécessité d’accepter et de partager non seulement nos forces et nos exploits, mais également nos failles, nos faiblesses, nos erreurs afin de permettre la rencontre avec nous-mêmes et avec les autres : c’est peut-être le seul vrai moyen de créer sa vie et de lui donner du sens.
 
« Une vieille femme possède deux grands pots, chacun suspendu au bout d’une perche qu’elle transporte sur son épaule pour aller chercher de l’eau. À la fin de sa longue marche, du puits vers la maison, l’un des deux pots, fêlés, n’est plus qu’à moitié rempli d’eau. Le pot intact est très fier de lui. Mais le pauvre pot fêlé, lui, a honte de son imperfection, triste de ne pouvoir faire que la moitié de son travail. Au bout de deux années, il s’adresse à la vieille dame, alors qu’ils sont près du puits. « J’ai honte, car ma fêlure laisse l’eau goutter tout le long du chemin vers la maison. »

La vieille femme sourit : « As-tu remarqué qu’il y a des fleurs sur ton côté du chemin, alors qu’il n’y en a pas de l’autre côté ? Comme j’ai toujours su ta fêlure, j’ai semé des graines de ton côté du chemin. Chaque jour, sur le chemin du retour, tu les as arrosées. Pendant deux ans, grâce à toi, j’ai cueilli de superbes fleurs pour décorer ma table » (in Frédéric Lenoir, L’Âme du monde, Paris : NIL Editions, 2012, p. 165-166)
 
Une nouvelle année commence, accompagnée de sa traditionnelle liste de bonnes résolutions. Pour ma part, j’ai décidé d’avoir moins peur de la vie et des autres. En allant encore un peu plus à ma rencontre et à la leur. Et de me donner et de partager avec les autres ce dont notre âme a besoin : de la compassion.


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