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Être dans le contrôle…et le perdre.
Posted on 3 February, 2018 at 11:48 |
Après plusieurs mois de cheminement, je m’octroie à nouveau une pause dans
mon pèlerinage. L’occasion de faire le point sur mes émotions, mes besoins, mes
envies. Sur ce qui m’habite tout au fond de moi et que j’ai parfois de la peine
à entendre dans le tumulte d’un quotidien (à mon goût souvent trop) bien rempli
et bruyant.
C’est aussi la première fois depuis le mois de novembre 2016 et depuis
la publication de mon témoignage écrit cet automne que je me prépare à rédiger
un article pour mon blog – exception faite de ma contribution de début janvier,
une reprise d’une « commande » des mes collègues et amis de
Coaching-Services. Bien que décidé à « accoucher » de nouvelles
réflexions, je me retrouve sans aucune inspiration, mon intuition me soufflant
de manière répétée que, au fond, je n’ai besoin de rien et encore moins
d’écrire. Je lâche prise et me dis que, à part moi, personne n’attend quelque
production que ce soit. Et que, quand l’envie de me mettre au clavier viendra,
je serai à l’écoute. Comme souvent lors de mes « mini-retraites » d’un week-end,
je me fais plaisir en regardant un film dont je sais qu’il a de fortes chances
de ne pas obtenir les suffrages de ma famille pour nos soirées TV communes. Ce
soir-là, je jette mon dévolu sur un film sorti en janvier 2017 et présenté au
festival de Sundance : To the Bone
(Jusqu’à l’os) qui raconte l’histoire de Ellen (interprétée avec beaucoup
de finesse et justesse par Lily Collins,
fille aînée de Phil), une jeune fille anorexique de 20 ans, et son chemin vers
la guérison. Que cela soit dans la bande annonce ou dans le récit, il est frappant
de voir à quel point les personnages mettent de l’énergie à contrôler leur
corps, leur poids et leur alimentation : mesures incessantes du tour de
bras par exemple, exercices physiques à outrance, vomissements forcés,
connaissances extrêmement pointues du nombre de calories présentes dans
l’assiette, obsession du poids. Une « contrôlite » qui débouche au
mieux sur des pertes de connaissances ou, à l’extrême, sur la mort. Et, donc,
sur une absence totale de contrôle sur sa vie. C’est en effet ce paradoxe que j’aimerais principalement relever ici.
Du haut de notre « tour de contrôle »[2] dont
la hauteur nous est utile, pensons-nous, à nous orienter dans une société qui
met en avant des valeurs de performance et de réussite, nous nous illusionnons de
pouvoir maîtriser le temps ainsi que le cours de notre vie. Nous gérons notre
existence comme nos comptes en banque, avec objectivité, anticipation,
planification et intérêts. Nous pensons pouvoir contrôler l’imprévu et
l’imprévisible, les aléas du présent comme les incertitudes de l’avenir. Craignant d’être affectés, modifiés, transformés voire détournés pas nos
émotions, nos sentiments et nos blessures, nous nous emmurons dans une prison
que nous nous construisons nous-mêmes et dont nous sommes à la fois le
prisonnier et le geôlier. Poussés par
notre mental, fidèle allié de notre ego dans sa volonté de contrôler ce qui
pourrait représenter une menace à ses routines, et nous identifiant à nos
croyances et à nos schémas inconscients, nous nous mettons très souvent sur
mode « pilote automatique », confondant action avec réaction et privilégiant
le faire à l’être. C’est ainsi que, paradoxalement, la volonté de maîtriser
notre vie, extérieure et bien plus encore intérieure, débouche sur une perte de
contrôle. Réglé sur mode automatique, notre pilote augmente en effet les possibilités
de sorties de route : burn-out, dépression, accidents, maladies
chroniques. Nous pensons
gagner notre vie en nous lançant des défis dont la réalisation nous rassure, sans
prendre en considération que nous nous éloignons parfois de l’essentiel et de
l’essence. Que nos vies ressemblent parfois à une course contre le temps et que
nos journées, pourtant bien (voir trop) pleines, sont parfois vides de moments
de plénitudes. Mais alors,
me direz-vous, comment se sortir de ce cercle vicieux et de cette prison ?
Comment remettre un véritable pilote dans notre véhicule de vie ? Principalement
en prenant conscience de ce que nous ne voulons pas voir et ce qui nous fait
peur : notre intimité, nos émotions, notre vulnérabilité ainsi que nos
schémas récurrents et nos croyances, certes utiles mais parfois très limitantes.
Car, « lorsqu'on est conscient d'une chose, on peut prendre le contrôle
sur cette chose. Lorsqu'on n'est pas conscient d'un sentiment, c'est lui qui a
le contrôle sur vous »[5]. Ce que l’on appelle communément un « travail sur soi » revient alors
à observer, nommer et à accueillir avec bienveillance ce magma intérieur que
constituent notre affectivité, nos peurs, nos doutes. Sans oublier notre
tendance à la Toute-Puissance qui représente souvent une réponse à la peur de
perdre de contrôle…et une autre manière de contrôler notre vie ou ce que nous
aimerions qu’elle soit. Il ne s’agit
nullement de livrer un combat contre nos démons – ce qui équivaudrait à vouloir
reprendre le contrôle, une lutte dont on sort presque toujours perdant et qui
contribue à l’épuisement – mais de se réconcilier avec eux en leur laissant une
place mais pas toute la place. Cette
acceptation, cet accueil de toutes les parts de soi nous permet également de
lâcher prise et de faire confiance, car « plus nous progressons dans ce
travail de lucidité, d'individuation, de consentement à la vie, plus nous
découvrons que nous ne sommes pas uniquement cet ego auquel nous nous sommes
identifiés »[6]. Dans le film
à l’origine de ces réflexions, une scène significative renvoie à cette
négociation nécessaire avec nos voix intérieures, avec nos saboteurs et
imposteurs préférés : lorsque Ellen se plaint auprès du docteur Beckham
(interprété par Keanu Reeves) de son incapacité à désobéir à cette voix harcelante
qui lui dicte ses actions, son interlocuteur lui propose d’accueillir cette
présence plutôt que de la nier ou de lutter contre elle et ensuite de lui dire,
avec force et conviction : « Va te faire foutre ! » et de
lui désobéir. Commence
alors un véritable travail de libération qui débouche souvent sur une liberté à
la fois intérieure et extérieure. Nous faisons des choix de vie, privée et/ou
professionnelle, en nous appuyant sur une meilleure connaissance de qui nous
sommes réellement, avec nos lumières et nos ombres, nos forces et nos limites.
Nous acceptons de contrôler ce qui peut l’être (pas grand chose, au fond) et de
rendre aux autres et à la vie ce qui leur appartient. Ce qui nous rend plus
légers, plus libres. Et, surtout, plus vivants. Car reliés à ce qui fait que
nous sommes à la fois uniques, différents et universels. À vous toutes
et tous, chères lectrices, chers lecteurs, je vous souhaite une très belle
année 2018 riche en aventures intérieures, en cheminements vers soi et…en
pertes de contrôle. [1] Lire à ce sujet l’article du Temps paru le 6 août 2017 (https://www.letemps.ch/sciences/2017/08/06/to-the-bone-cree-controverse-autour-lanorexie) [2] Une expression empruntée
à Labonté, M. L. (2009). Le point de rupture. Comment les chocs d'une vie
nous guide vers l'essentiel. Paris: Albin Michel.
[3] Guérin, M. & Romanens, P. (2010). Pour une écologie intérieure.
Paris: Payot, p. 144
[4] André, C. (2012). Sérénité. 25 histoires d'équilibre intérieur.
Paris: Odile Jacob, p. 58-59
[5] Mello, A. D. (1994). Quand la conscience s'éveille. Montréal &
Paris: Bellarmin & Deslcée de Brouwer, p. 92
[ 6] Lenoir, F. (2015). La puissance de la joie. Paris: Fayard, p. 152
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