Mackoaching
Être en chemin
Accompagnement individuel
Mon blog
Blog
Être en larmes
Posted on 4 June, 2016 at 13:22 |
« Pleure : les larmes sont les pétales du cœur » (Paul Éluard) Une fois seul dans le train,
je me sonde et tourne mes oreilles en direction de mon cœur et de mon
âme : que se passe-t-il en moi ? quelles sont les émotions qui se font
vives ? quelles sensations dans mon corps ? quels besoins ? quelles "en-vie(s)" ? Et ce qui vient spontanément,
c’est une envie de pleurer, de verser des larmes. Je ne ressens pas le besoin de le faire dans le train mais je sais que, à un moment ou à un autre lors de ces deux jours, mon
cœur et mon âme s’épancheront. Pourquoi ce
besoin ? Je ne vois aucune raison objective, aucun deuil à vivre, aucune
situation qui puisse me rendre triste actuellement. Mon besoin de comprendre
n’en est que plus fort : j’aimerais y voir plus clair, que cela soit en
moi ou chez les autres, notamment par rapport aux personnes que j’accompagne.
Qui, tôt ou tard, finissent souvent par pleurer lors des entretiens. En effet, je me souviens
d’une phrase d’un ami (qui se reconnaîtra certainement) que le fait
d’accompagner les autres était quelque chose d’ontologique chez moi et que
j’étais né pour faire pleurer mes semblables. Je n’ai pas tout de suite saisi la
profondeur de son affirmation mais force est de constater que la vie lui a
donné raison : je passe mon temps, du moins professionnellement, à
susciter cette réaction chez mes clients (à dire vrai, c’est le cas
principalement pour mes clientes). Si, la plupart du temps, la
personne qui se trouve en face de moi s’excuse pour cette effusion
incontrôlable, je me sens au contraire plein de joie et le partage
parfois avec le/la coaché-e- : nous y sommes, le travail peut
commencer ! Pourquoi cette contradiction, du moins en apparence, entre mon
état émotionnel et celui de l’autre ? « Les larmes sont à l’âme ce que le savon est au corps » (Proverbe juif) Les larmes nous libèrent du
personnage que nous interprétons et du masque que nous portons et dont la fonction est d'entretenir l’illusion de solidité, de force et de performance. Comme si toute cette construction en partie factice se démantelait
et laissait entrevoir notre vulnérabilité, notre fêlure intime. Nous permettant
enfin d’être nous-mêmes : imparfaits, humains, humbles, sans fards et sans
besoin de se blinder vis-à-vis des autres – et envers soi, ce qui a des conséquences
parfois encore plus néfastes. Dans un article précédent,
j’évoquais la fable japonaise du samouraï qui, pour retrouver son âme ainsi que
la clé pour ouvrir le paradis et l’enfer en lui, devait réapprendre à pleurer.
Les larmes sont un signe de guérison : la guerrière et le guerrier que
nous sommes toutes et tous se donne enfin la permission de ne plus devoir combattre,
de ne plus devoir céder aux injonctions de perfection et d’apparence de notre
égo, se donnant à soi-même et aux autres l’accès à son cœur, à ses émotions, et
à son âme.
L’amour des mots m’a fait
réaliser que le mot allemand utilisé pour définir les larmes (die Tränen) se prononce presque de la
même manière que le verbe qui qualifie le fait de séparer (trennen). Paradoxalement, le fait de pleurer ne sépare pas mais
permet une réunification de nos deux dimensions principales, du moins selon
Jung : le Moi et le Soi. L’âme, intermédiaire
privilégiée entre ces deux mondes, peut s’exprimer par les larmes qui sont à la
fois une marque de la tristesse qui nous habite (l’ego n’aime pas du tout être
pris au dépourvu !) mais aussi de joie, d’espoir et de guérison : la
part de nous qui a trop longtemps été ignorée voire bafouée se sent enfin
reconnue et revendique le droit d’exister, de vivre. Qui n’a ainsi jamais vécu
l’extraordinaire sentiment de soulagement et de paix intérieure après une crise
de larmes ? Un monde souterrain, trop ignoré, est remonté à la surface,
permettant de nous unir à nous-mêmes et de nous pacifier.
Dans les accompagnements que
je mène, les larmes versées sont donc une garantie d’un processus de guérison
intérieure qui s’est enclenché. Je me garde cependant de toute jubilation
précoce et de prévisions prophétiques douteuses : chacun reste l’expert de
sa propre situation et le processus ainsi entamé appartient à la personne – et
à la vie. Mon rôle consiste peut-être « simplement » à confronter la
personne en toute bienveillance à ses contradictions et à ses dimensions
cachées – qu’elle se dissimule autant à elle-même qu’aux autres – pour…la
faire pleurer et lui permettre d’avancer sur son chemin intérieur et, par conséquent, extérieur. Deux anecdotes à ce
sujet : Lorsque mon collègue et ami
Patrick et moi-même avons lancé notre projet de coaching interne dans un
établissement scolaire lausannois, nous avions tout prévu…sauf la quantité importante
de mouchoirs que nos client-e-s allaient utiliser dans les premiers mois de
notre aventure : ce qui nous a paru un détail s’est avéré avec le recul la
preuve que notre offre couvrait un réel besoin et que nous avions sans doute
permis à beaucoup de personnes, par notre seule présence dans un premier temps
puis par notre accompagnement certes un peu maladroit au début, à commencer un
processus de reconnaissance de soi essentiel. Après avoir demandé un retour
suite à une intervention autour du burn-out dans un établissement du chablais
vaudois, j’ai reçu un message m’informant que « tout s’était bien passé même si dans mon atelier certaines personnes
avaient pleuré ». Je me suis dit alors que le problème était loin
d’être résolu dans cet établissement, la vulnérabilité et l’humanité n’étant
reconnues qu’à la condition que les acteurs continuent à entretenir le mythe de
la maîtrise et du contrôle : une maladie me semble-t-il encore trop
répandue chez les enseignants – les « maîtres » d’école – qui ont
souvent de très bonnes raisons de pleurer, étant aux avant postes des
dysfonctionnements du système tant social que scolaire. Après avoir écrit ces
quelques lignes, je ne sais pas encore à quel moment mon âme et mon corps
« ouvriront les vannes ». Alors que, avant mon burn-out, je retenais
toute cette « sainte eau », je me réjouis aujourd’hui à la fois de
pouvoir reconnaître sa présence légitime en moi et de la laisser surgir
librement, secouant au passage tout mon corps et me laissant ensuite dans un
profond sentiment de paix et de joie. Je ne peux donc que vous
encourager de pleurer quand le besoin se fait ressentir et sans aucune retenue
ni culpabilité : c’est une preuve de plus que vous êtes vivant-e-s ! |
Categories: Être
Categories
/