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De l’illusion au réel…et retour.
Posted on 10 October, 2015 at 12:27 |
Que cela soit par
rapport à mon propre vécu de « burn-outé » ou à celui des personnes
que j’accompagne lors d’une rupture de vie, je constate qu’un processus
irrémédiable s’enclenche et n’autorise que rarement un retour en arrière :
la désillusion. Ce mot-valise revêt
plusieurs significations qui correspondent chacune à des étapes qui jalonnent
le chemin emprunté. Comme pour les textes précédents, je me propose de
témoigner en faisant appel à mes souvenirs personnels en précisant, une fois
encore, que je ne prétends en aucune façon avoir raison ni de vouloir imposer
mon point de vue à qui que ce soit. Dans cette première
expression de la « dés-illusion », j’étais non seulement contraint de
me décevoir (ou « dé-se voir »), c’est-à-dire de me voir tel que
j’étais vraiment, sans masque ni artifices, mais également amené à décevoir d’autres
personnes pour qui cette illusion était une réalité à laquelle – pour des raisons
qui leur appartiennent – il était confortable de croire. J’assistais donc à la
mise en pièce de mes illusions : un processus douloureux, accompagné d'une
grande souffrance et de peurs abyssales suscitées par des interrogations sans
réponse dont LA question : « quel sens vais-je donner à ma vie
maintenant ? » Au début, je
contemplais toute cette agitation avec jalousie, colère et désespoir :
quel sens avait donc encore ma vie si je ne pouvais pas remonter sur scène et
jouer ma partition comme les autres ? Quelle était donc mon utilité
« ici-bas » si je ne pouvais par remonter en selle sur mon cheval et
galoper avec les autres dans le manège de la vie ? Cette désillusion-là
m’a ensuite mené progressivement vers ce que j’appelle une
« dés-identification » : comme il m’était physiquement et/ou
psychiquement impossible de porter les habits des personnages qui participaient
à la construction de mon illusion, je me suis progressivement délesté de mes
oripeaux, devenus inutiles car inutilisables, pour trouver mon identité dans la
seule action sur laquelle j’avais encore un semblant de maîtrise : mon
souffle. Pour le dire avec les
mots de Frédéric Lenoir, « nous ne pouvons pas d'avantage contrôler
totalement notre vie professionnelle soumise à tant d'aléas externes, ni nous
obstiner à vivre dans l'illusion de stabilité et de sécurité. Alors faisons de
notre mieux pour maîtriser ce qui peut l'être » (Petit traité de vie intérieure, 2010, p. 31). La plupart des
repères que j’avais patiemment construits pour me donner l’illusion que je
contrôlais ma vie et la vie s’étaient effondrés les uns après les autres :
le seul lieu sûr qui me restait (et me reste encore) était (et restera à
jamais) mon intériorité à laquelle un travail conscient, patient et régulier
sur ma respiration et mon corps me permettait (et me permet toujours)
d’accéder. Comme j’ai pu
l’expliciter dans un autre texte, l’accès à ce lieu de vie
intérieure n’a été et n’est possible qu’en accueillant mes émotions et mes
blessures, d’autant plus présentes que je les avaient ignorées pendant des
années, faisant de mes ombres de véritables fantômes. Ou, devrais-je dire,
des fantasmes – fantasma veut
dire fantôme en italien –,
c’est-à-dire des illusions. Si nos émotions et nos blessures sont bien réelles,
ce qui l’est moins c’est ce que notre ego et son fidèle allié, le mental, en
font : des productions qui distinguent l’être humain de tous les autres
êtres vivants ; des pensées qui, si nous n’y prenons pas garde, dirigent
notre vie sur le mode « pilote automatique » alors que nous sommes
persuadés de garder le contrôle du véhicule. Et c’est là une
étape-clé du processus de désillusion tel que je l’ai vécu : le mâyâ, concept central dans la
spiritualité hindouiste, que Yvan Amar définit comme étant « notre
réaction au monde et l'illusion et la souffrance qu'elle engendre » (L’effort et la grâce, 1999, p. 177). Ce
que nous pensons être la réalité n’est donc qu’une construction de notre
mental. Et une construction de la seule réalité tangible et incontestable :
le réel que Jean-Louis Servan-Schreiber voit dans le grand tout, le non-moi,
l’univers, l’inaccessible, l’essentiel, le mystérieux (C’est la vie. Essais, 2015, p. 33-36). Une vision qui
rejoint ce que mon intuition ainsi que le fait d'avoir côtoyé la mort m’ont si souvent soufflé à l’oreille : le silence intérieur, le Rien, le
Vide sont souvent la seule réalité qui ne soit pas une illusion. Et que c’est à
partir de ce « lieu-refuge » que je dois négocier avec moi-même mes
actions, mes choix et mes décisions à prendre dans la réalité du théâtre de la
vie qui, comme le dit Albert Einstein, « est simplement une illusion, quoique très persistante. ».
Pour ma part, j’ai fait mienne la devise de Jean Bouchart d’Orval (Le Secret le mieux gardé, 2007, p.
255) : « jouer le jeu sans s'y prendre, sans s'y perdre ». Cela dit, même si je
vois aujourd’hui le monde comme une gigantesque tragi-comédie et que cette
vision peut avoir quelque chose de ludique (de ludus, le jeu en latin), la vie
me rappelle invariablement que cette philosophie s’inscrit dans une démarche
spirituelle qui, pour le dire avec les mots de Jacqueline Kelen, « est âpre, tendue, exigeante : lutte
intérieure contre les prétentions et les illusions du moi, gouvernement des
passions, résistance active face aux tentations nombreuses sur le chemin, face
à la peur (…) une ascèse,
c'est-à-dire une discipline, un exercice constant, une pratique rigoureuse. »
(Sois comme un roi dans ton coeur,
2015, p. 120). Mon odyssée intérieure et le processus de
désillusion m’ont fait me sentir souvent très mal à l’aise dans une réalité qui
pour moi n’en était plus une. Je me sentais souvent complètement coupé et
isolé, assistant tel un spectateur incrédule aux gesticulations de mes
congénères affairés à entretenir leurs illusions. Aujourd’hui, j’ai l’impression de
m’être à nouveau « réincarné » et de réinvestir mes personnages
d’avant avec une conscience nouvelle. C’est un vrai soulagement de retrouver
mes anciens repères et d’être en pleine possession de mes moyens physiques,
psychiques et intellectuels. Et c’est aussi une source de crainte : celle
de me laisser à nouveau guider par mes fantasmes, par mes illusions et par mon
ego, tout puissant et narcissique ainsi qu’angoissé et anxieux. Le fait de partager mon vécu ainsi que mes
réflexions, doutes et convictions, comme je le fais dans le cadre de mon blog, lors
des témoignages en public ou, beaucoup plus rarement, en tant que coach, me
sert donc avant tout d’« Assurance-Vie » : une manière de rester
« Vie-gilant » sur ce nouveau chemin. Même si ces activités peuvent
également mettre en avant mon ego, que cela soit à mes yeux ou à ceux des
autres. Un paradoxe dont je suis conscient et qui se révèle à la fois être une
force et un frein sur ce nouveau chemin. C’est certainement aussi le prix à payer pour
contribuer à la genèse de l’Homme en moi et en l’autre, dans toute sa
complexité, sa profondeur et son mystère. Une finalité qui, comme le soulève
Georges Haldas, peut à la fois représenter « le sens le plus profond ou (une)
suprême illusion » dans ma vie. PS Les illustrations de ce texte sont des peintures d'une jeune artiste américaine, Meghan Howland, dont j'ai apprécié la sensibilité et le mariage entre surréalisme et réalisme (plus sur son site : www.meghanhowland.com) |
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