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Être en colère
Posted on 30 May, 2015 at 15:57 |
Je
ressens le besoin aujourd’hui de parler d’une des quatre émotions de base et
probablement la plus déroutante : la colère. « Dé-routante »,
elle l’est pour au moins deux raisons : 1. La
colère peut nous faire sortir de nos gonds, donc être à l’origine de
« sorties de route » lorsque, subjugués et asservis par elle, il n’y
a plus de pilote dans notre véhicule. 2. En
ce qui me concerne, c’est probablement l’émotion qui me questionne le plus et
me met le plus face à mes propres limites. Normal, me direz-vous, puisque,
comme je viens de le souligner plus haut, une de ses caractéristiques est de
nous faire perdre le contrôle de nous-même. Jusqu’à
mon burn-out, cette émotion portait à mes yeux clairement une étiquette
négative : je ne voyais pas d’un bon œil le fait d’être en colère
justement à cause de ses effets « dé-routants » qui risquaient
fortement de casser l’illusion, l’image parfaite et lisse de la personne qui
s’était fixé pour but d’être irréprochable, de ne surtout pas faire de vagues
au nom de la sacro-sainte harmonie et – raison difficile à avouer – d’être aimée
et appréciée de tous. Or,
comme le dit très justement Lytta Basset (Au-delà du pardon. Le désir de tourner la page), il n’est pas juste que, dans la Bible hébraïque, Dieu se mette 170 fois en
colère et les humains seulement 40 fois. En s’interdisant d’être en colère et,
par conséquent, de me mettre en colère, j’ai ainsi collectionné ce que
l’Analyse Transactionnelle appelle des « timbres
psychologiques » : comme pour les cartes de fidélité dans certains
restaurants, tea-room ou stations-services, chaque colère était soigneusement
« stempelisée », débouchant sur une gigantesque éruption volcanique
au moment où il n’y avait plus de place pour un prochain timbre sur la dite
carte. Le burn-out peut ainsi être vu comme le résultat d’un cumul successif de
colères non vécues et non exprimées. Donc comme une forme de violence contre
soi-même. Inlassablement
et régulièrement, j’ai d’abord appris, comme le prône Thierry Janssen, de
« métaboliser » cette émotion, c’est-à-dire de « l’accueillir
comme une nourriture et de respirer profondément », ce qui a pour effet
que « notre émotion s’estompe, son information génère des idées nouvelles
dans notre pensée et son énergie devient disponible pour une réponse adaptée à
la situation » (cf http://www.thierryjanssen.com/images/chroniques_psycho/chronique_psycho_2015_05.pdf.) Pour
se faire, j’ai introduit dans mon quotidien des techniques de méditation et de
visualisation que j’utilise régulièrement et qui ont également pour but d’éviter
que la colère se transforme en ressentiment contre la personne, la situation ou
le contexte déclencheurs. Car, comme le souligne Christophe André dans Les états d'âme. Un
apprentissage de la sérénité, le piège dans lequel je
tombais et je tombe encore souvent, c’est de ruminer et d’entretenir une colère
qui dure, qui dure, qui dure…et qui débouche sur les effets dé-routants
énumérés plus haut ainsi que sur une spirale qui peut parfois s’avérer
infernale, car elle a pour conséquence de m’installer dans un rôle de victime
incapable de voir une issue à la situation. Ainsi, grâce à la fois à l’accueil de la colère et à une forme de
distanciation, le fait de laisser de la place à la colère sans lui
laisser toute la place permet tout d’abord de ne pas en être esclave
puis de se poser quelques questions-clé à tête reposée. Une des premières interrogations qui surgit alors chez moi vise à
connaître le besoin qui se cache derrière cette émotion. Si je m’en réfère au
livre de Christelle Petitcollin, Émotions. Mode d’emploi, la colère
exprime principalement le besoin d’être respecté. À chaque situation générant
de la colère, j’en viens donc à me demander ce qui n’a pas été respecté chez
moi : quelles valeurs, quels besoins, quelles limites, quels principes et
aussi quelles croyances. J’irais
cependant plus loin que l’auteure française en disant que, si je suis honnête
avec moi-même, mes colères ne mettent pas seulement de la lumière sur mon besoin
d’être respecté, mais aussi sur celui de me respecter. Je réalise en effet souvent que ma colère vient aussi
du fait que j’ai de la peine à me faire entendre soit en amont soit en aval de
la situation à l’origine de l’émotion. Dans les
faits, je me laisse parfois piétiner plusieurs fois, soit par les autres ou,
pire encore, par moi-même : parce que je n’ai pas été respecté, parce que
j’ai parfois en partie contribué à cet état de fait, parce que j’ai peur
d’entreprendre des démarches pour me faire respecter et parce que tout cela me
met en colère contre moi-même. Car, comme
le dit très justement Pierre Pradervand dans Vivre sa spiritualité au quotidien, l'agression
extérieure peut souvent être interprétée comme la manifestation et la matérialisation
d'une agression intérieure envers soi-même : la colère ressentie vis-à-vis
d’un déclencheur externe peut déboucher sur une forme de maltraitance vis-à-vis
de soi – un schéma que les personnes victimes de harcèlement ou de mobbing
connaissent bien…ainsi que les personnes qui ont vécu un épuisement
professionnel. Ce
constat soulève deux questions : 1. que
faire avec les colères déclenchées par des conditions externes ? 2. que
faire avec les colères que je m’adresse à moi-même ? Je
rejoins entièrement Lytta Basset (toujours dans l’ouvrage cité plus haut)
lorsqu’elle avance que la réponse aux deux interrogations ci-dessus revient tout
d’abord à se donner le droit à la colère, une « colère féconde », « expression
légitime » de soi-même et « force de vie » indispensable pour
faire face aux injustices. Pour ensuite user de sa « capacité à confronter
autrui » sans attendre nécessairement réparation. En
cela l’outil OSBD, emprunté à la CNV (Communication Non Violente), est une clé
qui m’aide souvent à voir clair dans ma responsabilité dans la situation et à
rétablir l’équilibre dans la communication en exprimant mes observations, mon
ressenti ainsi que mes besoins pour conclure par une demande dont j’envisage
qu’elle peut être acceptée mais aussi refusée par l’autre. Afin
de passer par l’acte avant de passer à l’acte, il m’arrive de mettre
mes éléments de réflexion par écrit avant de les transmettre oralement ou de
rédiger une lettre ou mail que je fais lire à une personne extérieure à la
situation avant d’envoyer le message dans les situations où il est soit
préférable, plus judicieux de passer par l'écrit ou impossible de communiquer oralement. En
effet, les colères les plus difficiles à vivre pour moi sont celles qui sont en
lien à des violences institutionnelles pour lesquelles il n’y a souvent pas
d’interlocuteur clairement identifiable. Une lettre fictive que je déchire ou
brûle ensuite me permet de me rendre justice sans pour autant me prendre pour
le Justicier. Si
je devais résumer mes ombres, autant de sources de lumière, je dirais que
toutes sont en lien à une blessure d’amour et un sentiment d’injustice et d’abandon
qui remontent à très, très loin dans mon histoire de vie : la
psychogénéalogie m’a même permis de faire la paix avec des parents partis
beaucoup trop tôt et dans des situations de violence extrême. Pour
le dire avec les mots du philosophe américain Henry David Thoreau, "il n'y a qu'un remède à l'amour : aimer
d'avantage". Le fait d’ « érotiser » ma colère, donc de m’y
installer, ne fait qu’empirer le phénomène, puisque je persiste à entretenir ce
que Hannah Arendt appelait la « banalité du mal », soit la violence qui
sommeille en chacun de nous, alors qu’une logique de « banalité du
bien » (Matthieu Ricard) me permettrait de me donner de l’amour, de la
compassion et de la joie pour pouvoir sortir de ce cercle vicieux. Même s’il semble
indispensable dans la pacification vis-à-vis de ses colères, ce travail de
réconciliation avec ses propres blessures n’est de loin pas chose aisée et, en
ce qui me concerne, c’est et ce sera le travail de toute une vie. Ce qui est à
la fois rassurant – j’ai donc le droit à plusieurs essais ! – et source
de….colère. En effet, une de mes ombres est l’impatience liée à un besoin de
contrôle et de Toute-Puissance, deux besoins censé calmés mes anxiétés
existentielles et mes angoisses de la mort. La quête continue donc. Si possible
dans la paix plutôt que dans la colère. Quoi que…. Pour conclure, j'aimerais parler d'un autre besoin que la colère met à jour : celui du changement. En effet, lorsque cette émotion me saisit, je m'entends souvent penser : "Ça suffit ! Ça ne peut plus continuer comme ça ! Il faut que ça change !". Changer certes, mais quoi et comment ? Faut-il changer la situation ou la personne qui ont déclenché la colère ? C'est parfois possible, mais souvent très difficile voire improbable. Faut-il alors changer sa manière de voir la situation ou la personne ? Si oui, quel impact ce travail aura-t-il sur la perception que j'ai de moi-même ? Quel changement suis-je d'accord d'apporter chez moi pour mieux vivre la situation ? Ou, dans certains cas, ne vaut-il pas mieux changer de situation ou quitter la personne pour se distancer définitivement ? Car, ce que la colère nous apprend aussi c'est de nous positionner, d'affirmer clairement nos limites, synonymes non de faiblesses mais de forces, et, donc, de se différencier sans attendre que l'autre - la situation ou la personne - le fasse à notre place. Or, ce questionnement est souvent trop complexe et touche à trop de zones d'ombres et d' "angles morts" chez nous pour qu'il puisse se dérouler valablement seul. Pourquoi ne pas suivre le conseil de G. Le Cardinal : "Soyez autonome, demandez de l'aide" ? Bonne suite de chemin à toutes et à tous, en compagnie (ou pas) de vos saintes colères. |
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