Mackoaching
Être en chemin
Accompagnement individuel
Mon blog
Blog
Être en colère
Posted on 30 May, 2015 at 15:57 |
![]() |
Je
ressens le besoin aujourd’hui de parler d’une des quatre émotions de base et
probablement la plus déroutante : la colère. « Dé-routante »,
elle l’est pour au moins deux raisons : 1. La
colère peut nous faire sortir de nos gonds, donc être à l’origine de
« sorties de route » lorsque, subjugués et asservis par elle, il n’y
a plus de pilote dans notre véhicule. 2. En
ce qui me concerne, c’est probablement l’émotion qui me questionne le plus et
me met le plus face à mes propres limites. Normal, me direz-vous, puisque,
comme je viens de le souligner plus haut, une de ses caractéristiques est de
nous faire perdre le contrôle de nous-même. Jusqu’à
mon burn-out, cette émotion portait à mes yeux clairement une étiquette
négative : je ne voyais pas d’un bon œil le fait d’être en colère
justement à cause de ses effets « dé-routants » qui risquaient
fortement de casser l’illusion, l’image parfaite et lisse de la personne qui
s’était fixé pour but d’être irréprochable, de ne surtout pas faire de vagues
au nom de la sacro-sainte harmonie et – raison difficile à avouer – d’être aimée
et appréciée de tous. Or,
comme le dit très justement Lytta Basset (Au-delà du pardon. Le désir de tourner la page), il n’est pas juste que, dans la Bible hébraïque, Dieu se mette 170 fois en
colère et les humains seulement 40 fois. En s’interdisant d’être en colère et,
par conséquent, de me mettre en colère, j’ai ainsi collectionné ce que
l’Analyse Transactionnelle appelle des « timbres
psychologiques » : comme pour les cartes de fidélité dans certains
restaurants, tea-room ou stations-services, chaque colère était soigneusement
« stempelisée », débouchant sur une gigantesque éruption volcanique
au moment où il n’y avait plus de place pour un prochain timbre sur la dite
carte. Le burn-out peut ainsi être vu comme le résultat d’un cumul successif de
colères non vécues et non exprimées. Donc comme une forme de violence contre
soi-même. Inlassablement
et régulièrement, j’ai d’abord appris, comme le prône Thierry Janssen, de
« métaboliser » cette émotion, c’est-à-dire de « l’accueillir
comme une nourriture et de respirer profondément », ce qui a pour effet
que « notre émotion s’estompe, son information génère des idées nouvelles
dans notre pensée et son énergie devient disponible pour une réponse adaptée à
la situation » (cf http://www.thierryjanssen.com/images/chroniques_psycho/chronique_psycho_2015_05.pdf.) Pour
se faire, j’ai introduit dans mon quotidien des techniques de méditation et de
visualisation que j’utilise régulièrement et qui ont également pour but d’éviter
que la colère se transforme en ressentiment contre la personne, la situation ou
le contexte déclencheurs. Car, comme le souligne Christophe André dans Les états d'âme. Un
apprentissage de la sérénité, le piège dans lequel je
tombais et je tombe encore souvent, c’est de ruminer et d’entretenir une colère
qui dure, qui dure, qui dure…et qui débouche sur les effets dé-routants
énumérés plus haut ainsi que sur une spirale qui peut parfois s’avérer
infernale, car elle a pour conséquence de m’installer dans un rôle de victime
incapable de voir une issue à la situation. Ainsi, grâce à la fois à l’accueil de la colère et à une forme de
distanciation, le fait de laisser de la place à la colère sans lui
laisser toute la place permet tout d’abord de ne pas en être esclave
puis de se poser quelques questions-clé à tête reposée. Une des premières interrogations qui surgit alors chez moi vise à
connaître le besoin qui se cache derrière cette émotion. Si je m’en réfère au
livre de Christelle Petitcollin, Émotions. Mode d’emploi, la colère
exprime principalement le besoin d’être respecté. À chaque situation générant
de la colère, j’en viens donc à me demander ce qui n’a pas été respecté chez
moi : quelles valeurs, quels besoins, quelles limites, quels principes et
aussi quelles croyances. J’irais
cependant plus loin que l’auteure française en disant que, si je suis honnête
avec moi-même, mes colères ne mettent pas seulement de la lumière sur mon besoin
d’être respecté, mais aussi sur celui de me respecter. Je réalise en effet souvent que ma colère vient aussi
du fait que j’ai de la peine à me faire entendre soit en amont soit en aval de
la situation à l’origine de l’émotion. Dans les
faits, je me laisse parfois piétiner plusieurs fois, soit par les autres ou,
pire encore, par moi-même : parce que je n’ai pas été respecté, parce que
j’ai parfois en partie contribué à cet état de fait, parce que j’ai peur
d’entreprendre des démarches pour me faire respecter et parce que tout cela me
met en colère contre moi-même. Car, comme
le dit très justement Pierre Pradervand dans Vivre sa spiritualité au quotidien, l'agression
extérieure peut souvent être interprétée comme la manifestation et la matérialisation
d'une agression intérieure envers soi-même : la colère ressentie vis-à-vis
d’un déclencheur externe peut déboucher sur une forme de maltraitance vis-à-vis
de soi – un schéma que les personnes victimes de harcèlement ou de mobbing
connaissent bien…ainsi que les personnes qui ont vécu un épuisement
professionnel. Ce
constat soulève deux questions : 1. que
faire avec les colères déclenchées par des conditions externes ? 2. que
faire avec les colères que je m’adresse à moi-même ? Je
rejoins entièrement Lytta Basset (toujours dans l’ouvrage cité plus haut)
lorsqu’elle avance que la réponse aux deux interrogations ci-dessus revient tout
d’abord à se donner le droit à la colère, une « colère féconde », « expression
légitime » de soi-même et « force de vie » indispensable pour
faire face aux injustices. Pour ensuite user de sa « capacité à confronter
autrui » sans attendre nécessairement réparation. En
cela l’outil OSBD, emprunté à la CNV (Communication Non Violente), est une clé
qui m’aide souvent à voir clair dans ma responsabilité dans la situation et à
rétablir l’équilibre dans la communication en exprimant mes observations, mon
ressenti ainsi que mes besoins pour conclure par une demande dont j’envisage
qu’elle peut être acceptée mais aussi refusée par l’autre. Afin
de passer par l’acte avant de passer à l’acte, il m’arrive de mettre
mes éléments de réflexion par écrit avant de les transmettre oralement ou de
rédiger une lettre ou mail que je fais lire à une personne extérieure à la
situation avant d’envoyer le message dans les situations où il est soit
préférable, plus judicieux de passer par l'écrit ou impossible de communiquer oralement. En
effet, les colères les plus difficiles à vivre pour moi sont celles qui sont en
lien à des violences institutionnelles pour lesquelles il n’y a souvent pas
d’interlocuteur clairement identifiable. Une lettre fictive que je déchire ou
brûle ensuite me permet de me rendre justice sans pour autant me prendre pour
le Justicier. Si
je devais résumer mes ombres, autant de sources de lumière, je dirais que
toutes sont en lien à une blessure d’amour et un sentiment d’injustice et d’abandon
qui remontent à très, très loin dans mon histoire de vie : la
psychogénéalogie m’a même permis de faire la paix avec des parents partis
beaucoup trop tôt et dans des situations de violence extrême. Pour
le dire avec les mots du philosophe américain Henry David Thoreau, "il n'y a qu'un remède à l'amour : aimer
d'avantage". Le fait d’ « érotiser » ma colère, donc de m’y
installer, ne fait qu’empirer le phénomène, puisque je persiste à entretenir ce
que Hannah Arendt appelait la « banalité du mal », soit la violence qui
sommeille en chacun de nous, alors qu’une logique de « banalité du
bien » (Matthieu Ricard) me permettrait de me donner de l’amour, de la
compassion et de la joie pour pouvoir sortir de ce cercle vicieux. Même s’il semble
indispensable dans la pacification vis-à-vis de ses colères, ce travail de
réconciliation avec ses propres blessures n’est de loin pas chose aisée et, en
ce qui me concerne, c’est et ce sera le travail de toute une vie. Ce qui est à
la fois rassurant – j’ai donc le droit à plusieurs essais ! – et source
de….colère. En effet, une de mes ombres est l’impatience liée à un besoin de
contrôle et de Toute-Puissance, deux besoins censé calmés mes anxiétés
existentielles et mes angoisses de la mort. La quête continue donc. Si possible
dans la paix plutôt que dans la colère. Quoi que…. Pour conclure, j'aimerais parler d'un autre besoin que la colère met à jour : celui du changement. En effet, lorsque cette émotion me saisit, je m'entends souvent penser : "Ça suffit ! Ça ne peut plus continuer comme ça ! Il faut que ça change !". Changer certes, mais quoi et comment ? Faut-il changer la situation ou la personne qui ont déclenché la colère ? C'est parfois possible, mais souvent très difficile voire improbable. Faut-il alors changer sa manière de voir la situation ou la personne ? Si oui, quel impact ce travail aura-t-il sur la perception que j'ai de moi-même ? Quel changement suis-je d'accord d'apporter chez moi pour mieux vivre la situation ? Ou, dans certains cas, ne vaut-il pas mieux changer de situation ou quitter la personne pour se distancer définitivement ? Car, ce que la colère nous apprend aussi c'est de nous positionner, d'affirmer clairement nos limites, synonymes non de faiblesses mais de forces, et, donc, de se différencier sans attendre que l'autre - la situation ou la personne - le fasse à notre place. Or, ce questionnement est souvent trop complexe et touche à trop de zones d'ombres et d' "angles morts" chez nous pour qu'il puisse se dérouler valablement seul. Pourquoi ne pas suivre le conseil de G. Le Cardinal : "Soyez autonome, demandez de l'aide" ? Bonne suite de chemin à toutes et à tous, en compagnie (ou pas) de vos saintes colères. |
Cheminer en confiance et lâcher prise
Posted on 22 March, 2015 at 6:12 |
![]() |
« Il est bon de faire confiance au temps qui passe : l'avenir nous révèle toujours ses secrets. » (Eve Belisle) l’ « impasse de Froideville » ? Cela fait longtemps
que je ne crois plus au hasard, cette « indiscrétion du Ciel » et,
depuis mon burn-out, j’ai négocié avec mes penchants superstitieux, cousins de
la pensée magique. C’est donc un beau clin d’œil que me fait la vie, à laquelle
j’aimerais faire honneur dans ce texte en parlant de la confiance. Étymologiquement, ce
mot vient du latin « cum fides » et veut dire « avec foi ».
Frédéric Lenoir, dans son Petit traité de
vie intérieure, parle d’ailleurs de « foi-confiance », cette
force qui nous permet d’avancer, de changer, d’apprendre encore et toujours
ainsi que de nous connaître de mieux en mieux. Pour répondre à cette
question, je vais me reposer principalement sur mon ressenti et sur mon
expérience combinée d’être humain et d’accompagnateur d’autres êtres. Comme
dans mes textes précédents, mes propos n’ont comme unique but que de
témoigner : à chacun d’en tirer ce qui lui semble pouvoir l’aider à
avancer dans sa situation. Il me semble que, en
matière de « foi-confiance », j’ai tout d’abord envie de me faire confiance, d’avoir foi en mes
ressources intérieures, en mes forces. Mais quelles sont-elles ? À vrai
dire, je ne ressens pas le besoin d’en faire une liste qui, de toute manière, ne
pourrait être exhaustive. En effet, à chaque expérience nouvelle, j’en découvre
d’autres et je prends également conscience que ce que je pensais être acquis ne
l’est pas autant que je l’aimerais. Mon vrai besoin
réside plutôt dans la réponse à la question : qu’est-ce qui m’a permis
chez moi de prendre conscience de ce qui, dans une situation donnée, pouvait
représenter une force ? Si je reviens sur mon parcours de vie, quelle
force intérieure m’a permis à chaque obstacle, à chaque chute, à chaque épreuve,
grande ou petite, de me relever, de repartir, de reconstruire et de saisir
l’opportunité de grandir ? Mais ma voix (ou
voie) intérieure n’a pas été ma seule source d’inspiration dans laquelle j’ai
puisé ma confiance. Ma foi s’est également tournée vers les autres : amis,
alliés, personnes ressources, soutiens précieux, vitaux parfois. Il ne suffit
pas de se faire confiance : encore faut-il avoir confiance dans la
capacité des autres…d’avoir foi en nous et en notre projet de vie. Au risque de
se retrouver enfermé dans sa propre solitude, orgueilleuse et fière. Pour le dire avec les
mots de Jacqueline Kelen (L’Esprit de
solitude), « on est toujours plus seul qu'on ne le croit et bien moins seul
qu'on ne pense ». Nous sommes en effet les seuls à pouvoir vivre notre
propre changement et à mettre les clés dans les serrures des portes que nous
voulons ouvrir. Par contre, l’aide, le soutien et le regard, à la fois
bienveillant et critique, de personnes extérieures à notre situation peuvent
nous permettre de trouver des clés, des serrures et des portes auxquels nous
n’aurions pas pensé et de nous donner l’élan nécessaire pour le faire. La confiance aux
autres peut en effet nous permettre d’avoir accès à notre courage qui, pourtant
bien présent – le cœur de chacun n’aspire en effet qu’à s’exprimer –, ne se
donne pas la permission de dire tout haut ce qu’il pense tout bas et, à plus
forte raison, de passer à l’action. Les avis et les questions d’autres personnes
« de bonne foi » nous donnent ainsi l’autorisation, la légitimité
d’être notre propre autorité et de nous définir en fonction de nos aspirations
profondes – et non en nous conformant aux attentes des autres. En effet, même dans
les situations qui semblent les plus inextricables, vécues comme étant
l’expression d’une profonde injustice, générant une colère à la hauteur de
celle de Job, invectivant Dieu de la profondeur de son incompréhension, de sa
désorientation et de son indignation, il n’y a qu’une seule chose à
faire : dire « oui » à la vie, se laisser porter par le courant
en espérant – non, mieux : en sachant
que tôt ou tard le fleuve de la vie nous ramènera sur la berge. Une rive qui nous
accueillera renouvelé, transformé et, surtout, réconcilié. Avec la vie, certes,
mais principalement avec nous-mêmes. Car le « meilleur » dont parle
la citation plus haut ne définit pas forcément la qualité du sable qui reçoit
notre âme et notre corps, fatigués après tant de tumultes, mais également notre
propre paix intérieure, notre unification avec ce qui nous a fait perdre pied
en nous, nos ombres, nos démons, nos freins intérieurs. Tout voyage
extérieur, toute navigation fluviale est avant tout un itinéraire qui nous
conduit au plus profond de nous-mêmes, à nos blessures, à notre Enfer
intérieur. Et, également, à notre Paradis, à nos forces, à cette extraordinaire
élan d’amour que nous avons tous. Pour nous, pour les autres et pour la vie. Programmé, de par mon
histoire de vie, à contrôler et à exercer ma Toute-Puissance, il a fallu une rupture
pour accepter la non-maîtrise, pour passer de l’humiliation à l’humilité, de la
crispation à la détente, de la pression à la « dé-pression ». Et je
ne peux être que du même avis que Moussa Nabati quand il dit, dans son livre Comment soigner son enfant intérieur ?,
qu’ « on ne soigne pas une dépression, c’est la dépression qui nous
soigne ». Avoir confiance en
soi, en d’autres personnes et en la vie, c’est donc, au fond, accepter que nous
avons à la fois peu de pouvoir sur ce qui nous arrive et, en même temps, que l’effet
de nos actions peut se révéler infini. Car, cette foi nous permet tout d’abord
de créer des liens précieux – à sa propre intériorité, aux autres et à la vie.
Puis, ces liens mettent à leur tour en mouvement – nous mêmes, les autres et la
vie. En effet, si l’on se réfère à la physique quantique, à l’approche
systémique ou à la philosophie bouddhiste, nous sommes tous reliés et
interdépendants. Une intention peut déboucher sur des transformations à
plusieurs niveaux et touchant d’autres que nous. Et parce que nous ne maîtrisons pas grand-chose et parce que, fort heureusement, la vie
obéit à une logique mystérieuse, il est plus que jamais important d’avoir
confiance en elle : car elle seule sait ce qu’elle fait – alors que, la
plupart du temps, nous nous illusionnons de pouvoir en contrôler le cours. Si vous vous sentez
concernés par cet article, car en proie à des doutes et à des peurs légitimes
devant la nécessité de faire des choix et de prendre des décisions, je vous
invite tout d’abord à prendre soin de vos démons, à accueillir ces ombres qui
font partie de vous pour ne pas leur donner toute la place qu’elles
revendiquent puis à mettre votre confiance dans votre cœur, dans les autres,
surtout s’ils sont bienveillants, et dans la vie. Quoique vous fassiez, cette
dernière sera votre plus fidèle compagnon…si vous avez foi en elle et si vous
l’écoutez. Un « tuyau » d’initié : le parloir est au plus
profond de vous. |
Le voyage intérieur ou rester en lien avec son « dedans » pour mieux vivre son « dehors ».
Posted on 14 February, 2015 at 12:25 |
![]() |
Vivre sa spiritualité : entre l’humain et le divin.
Posted on 27 December, 2014 at 16:21 |
![]() |
« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant des expériences spirituelles, mais des êtres spirituels vivant une expérience humaine » Les
fêtes de Noël, avec leur lot de repas, de cadeaux et de réjouissances, nous
font presque oublier la dimension éminemment spirituelle de l’événement.
Attablé en face du Lac de Morat en ce samedi 27 décembre 2014, je ressens le
besoin de me pencher sur ce que veut dire le mot « spiritualité »,
que cela soit en lien avec la fête de la naissance de Jésus ou pas. Ma
première question concerne le concept de « spiritualité »
lui-même : est-il possible de restreindre les réalités plurielles et
complexes que couvre le terme par une seule définition ? Je partage la
conviction de Marc de Smedt dont il fait état dans une de ses chroniques :
« il y a autant de spiritualités qu’il y a d’êtres humains ». Je me
contenterai donc de parler de mes représentations pour me permettre d’y voir
plus clair dans ce qui m’habite au quotidien : si cela peut aider d’autres
personnes à mieux cerner les contours de leur spiritualité, tant mieux – mais
je m’en voudrais de faire preuve de prosélytisme en voulant rallier d’autres
personnes à une doctrine. Cette interdépendance – que l’on retrouve également dans
la philosophie bouddhiste, dans les réflexions systémiques ou en physique
quantique – donne un sens à mon être là : il est de ma responsabilité de
rester relié à moi-même, car, ce faisant, je soigne le lien avec les autres et
le monde. Dans
leur ouvrage Pour une écologie intérieure, Marie Romanens et
Patrick Guérin parlent à leur tour de « reliance », c’est-à-dire de la
capacité de dialoguer avec soi, avec ses ombres et ses lumières, pour pouvoir
entrer de manière pertinente et constructive en dialogue avec les autres. Dans
ce sens, la spiritualité passe par une quête d’intériorité et, pour moi,
par des moments de solitude qui me permettent de me recentrer, me
« re-sourcer ». Je rejoins ainsi Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste
vietnamien, quand il dit que « le véritable processus de paix, c'est de retourner en vous-mêmes, de
vous réconcilier avec vous-mêmes et de savoir comment faire face à vos propres
difficultés : le désespoir, la suspicion, le peur, la colère. Vous pouvez
ensuite passer à la deuxième étape et aider l'autre. » (La paix en
soi, la paix en marche) Maître Eckhart,
mystique rhénan du 13 et 14 siècle, met d’ailleurs
en garde celle ou celui qui entend la spiritualité comme un remède qui
anesthésierait les ombres propres à notre humanité : « Si l'homme trouve en Dieu satisfaction, c'est que Dieu n'est pas Dieu ».
Car
c’est aussi cela, vivre sa spiritualité : être conscient de ses propres
contradictions et les accueillir avec amour, car de les juger et de vouloir les
éradiquer reviendrait à les renforcer. « Le lotus a besoin de boue pour
pousser », nous rappelle Thich Nhat Hanh. Stéphane
Allix, journaliste et auteur du livre La mort n’est pas une terre
étrangère, nous invite d’ailleurs à nous préparer consciemment à mourir
en étant le plus vrais possibles et à ne pas tricher avec nous-mêmes en faisant
face à nos émotions négatives et conflictuelles : il vaut mieux les
transformer de notre vivant plutôt que se retrouver nez-à-nez avec elles dans
nos derniers instants de vie…ou même après ? Dans son livre, « Vivre sa
spiritualité au quotidien », Pierre Pradervand nous rappelle, entre
autres, que le mot « spirituel » est dérivé d’un mot latin,
« spiritus », signifiant le souffle. Le fait d’être attentif à ma
respiration dans tous mes actes me permet donc d’entretenir le Souffle, de maintenir le lien avec la Vie et avec moi-même. Et de rester à l’écoute du « dénominateur commun de toute
religion » (Marc de Smedt), le silence qui, comme nous le présente
Jacqueline Kelen dans son ouvrage La puissance du cœur, « nettoie et
purifie en opérant une distinction entre ce qui est essentiel et ce qui n'est
qu'accessoire » et « permet de se délester de l'illusoire, du factice ». Il est vrai que les
sentiments de décalage et d’ennui m’habitent depuis des années lorsque je me
trouve en société ou en famille. Ma crise spirituelle et mon éveil consécutifs à mon burn-out m’ont permis de
mettre des mots sur une impression jusqu'alors diffuse et confuse. Et aussi de ne pas tomber
dans le jugement en me croyant supérieur, car investi d’un « super pouvoir » :
pour moi, vivre sa spiritualité ce n’est pas seulement accueillir sa part
humaine avec bienveillance mais également l’humanité des et chez les autres.
Humilité, bénédiction, compassion et amour inconditionnel sont donc au rendez-vous……ou
devraient l’être : j’avoue ne pas être un saint et que très – trop – souvent je me surprends à juger, à évaluer et
à me mettre parfois dans des états qui me surprennent et me désolent à la fois.
Oui, je pourrai me
dire tout cela…mais cela ne serait pas moi. Car, vivre sa spiritualité, c’est,
pour moi, se « co-naître », c’est re-naître chaque instant, chaque
jour à soi-même. Avec ses joies et ses peines, avec ses forces et sa
vulnérabilité. Pour accéder à une plus grande maturité, à plus de sagesse. C’est
fêter Noël chaque jour : célébrer la naissance – avec ses contractions suivies de la lumière – d’un homme à la fois être
divin et être humain, . La naissance
d’un être spirituel amené à vivre une expérience humaine. Une ascèse, une
quête, un pèlerinage, un voyage qui importe plus que la destination elle-même. Je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2015, riche en moments d’humanité
et de spiritualité, en fonction de ce que chacune et chacun ressent au plus profond de soi-même, dans son silence intérieur.
NB : Les photographies publiées sur cette page ont toutes été prises par mon fils, Félix, dont je salue la sensibilité : il a trouvé une manière d'exprimer sa spiritualité qui lui correspond. Chapeau fiston ! |
Être audacieux : la peur au ventre ?
Posted on 15 November, 2014 at 17:18 |
![]() |
Hasard
ou stratégie éditoriale ? Deux revues françaises, Psychologies Magazine et Clés,
ont décidé au même moment, soit en octobre 2014, de consacrer un dossier pour
la première et un article pour la deuxième à une thématique commune : l’audace.
Le monde et tout particulièrement la France en auraient-ils si urgemment besoin pour
que ces titres-phare du développement personnel de l’Hexagone se sentent
investis de la mission d’en rappeler l’existence ? Mais
attention : penser que l’audace équivaut à un acte de provocation gratuit
et narcissique, histoire d’attirer l’attention et de nourrir son ego serait
faire fausse route. La finalité de l’être audacieux est principalement de
rechercher un progrès pour soi et/ou pour les autres, une évolution qui
s’inscrit dans une recherche de sens. Faire preuve d’audace passe par exprimer
ses convictions tout en respectant celles des autres pour devenir ce que l’on
veut être – et non ce que les autres aimeraient que l'on soit ou que l'on devienne. Philosophe, chercheur au CNRS
et membre du conseil éditorial de Clés,
Roger-Pol Droit appuie les propos ci-dessus en citant le « sapere
aude » (« ose savoir ») que Kant a emprunté à Horace. Cette
devise fait allusion à l’absolue nécessité de penser par soi-même afin de se
libérer des conditionnements que la société véhicule au quotidien, que cela
soit par les médias, par la publicité ou par d’autres canaux encore plus
subtils comme l’éducation, l’école et la formation. Car c’est
là où réside la puissance de l’audace : « faire que les rêves
s’inscrivent dans le réel » et que l’individu – ou le groupe – qui
« se jette à l’eau » se donne toutes les chances de s’affirmer
au-delà de ce qu’il pense être capable de réaliser. Or, en ces temps où prévalent
des valeurs de sécurité, de protection(nisme), de (auto)défense et de contrôle
en réponse au climat de peur généralisée, rien n’est moins facile que de faire
preuve d’audace. Selon Roger-Pol Droit, le rêve aujourd’hui, c’est d’être à
l’abri et le fait de prendre des risques fait peur : n’en court-on déjà
pas suffisamment dans la vie de tous les jours, ailleurs plus qu’ici ? Et pourtant. Les personnes
dont j’ai la chance d’accompagner les chemins de vie me démontrent le
contraire : leur volonté de changer, de se remettre en question et de
gagner en liberté individuelle est bien présente. Même si, lorsqu’il s’agit
d’aborder leurs valeurs et leurs contre-valeurs, l’audace fait rarement partie
de la liste, cette énergie leur est nécessaire, vitale et essentielle. Car, dans
l’urgence de vivre, ces personnes ne sont souvent sûres que d’une seule chose :
elle ne veulent pas revivre ce qu’elles ont vécu ou ce qu’elles sont en train
de vivre. Après une phase
d’accommodation lors de laquelle elles ont correspondu aux attentes des autres
et négligé certaines facettes de leur être, elles réalisent qu’elles se sont
laissées enfermer, au mieux dans une cage dorée, au pire dans une prison plombée. Et veulent
à tout prix s’en libérer en affirmant progressivement et avec force leurs
besoins, leurs rêves oubliés ou leurs désirs inassouvis. Ce qui, on s’en doute,
ne va pas sans conflits avec leur entourage, personnel et professionnel. Car,
que cela soit pour la personne directement concernée ou pour celles qui sont
touchées de près par son audace, elles partagent la même émotion : la peur. Pour celui ou celle qui
cherche à s’affirmer et à être soi, la peur de revivre des situations plus ou
moins traumatisantes représente un extraordinaire moteur et donne une force
parfois surhumaine dans des situations pourtant de grande vulnérabilité. Pour
ceux qui assistent à l’envol, la peur est doublement présente : d’un côté
parce que l’audacieux met à mal leur besoin de sécurité et, de l’autre, parce
que de voir l’autre prendre des risques les renvoie à leur propre difficulté
d’oser leur vie et, donc, à leurs propres prisons, intérieures ou extérieures. Ce qui permet de basculer d'une logique à l'autre réside dans la prise de conscience, souvent déclenchée par un facteur
interne (maladie, accident) ou externe (licenciement, mobbing, séparation), qui fait tomber
le voile et donne à celui qui ouvre les yeux la possibilité de voir au-delà des
murs, par delà les limites que nous nous sommes mises ou que nous nous sommes
laissées mettre. Et cette perspective est génératrice d’envie, d’en-vie et de vie.
Donc d’audace, même embryonnaire. J’aimerai conclure (de
manière audacieuse ?) par le partage de deux moments d’émotions. La première situation
concerne une de mes clientes à qui les larmes sont montées aux yeux dans le cadre d’une séance d’accompagnement autour de la gestion du temps, lorsqu'elle
prend conscience qu’elle ne se donne pas (ou pas assez) de permissions. À ma
question qui l’interroge sur comment elle se sent à ce moment-là, elle répond,
la voix quelque peu tremblante : « Ça fait envie ! ». Un
petit pan de mur intérieur venait de tomber, faisant émerger le désir de
découvrir la nouveauté…ainsi que la peur de l’inconnu. Le deuxième épisode concerne
l’émission Vacarme du 5 septembre
dernier (http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/vacarme/6083580-vacarme-du-05-09-2014.html)
lors de laquelle j’ai témoigné de mon expérience du burn-out. À son écoute, j’ai
pleuré de joie, certes, mais surtout parce que je me suis souvenu – et mon
corps avec moi – des crises de panique et d’angoisse quotidiennes, de l’anxiété
et des peurs qui m’ont tenaillé le ventre (et le terme « tenaillé »
n’est vraiment pas usurpé) tout au long des années qui ont suivi la « rupture ».
Et qui sont à l’origine de l’audace dont j’ai fait preuve depuis 2008. Beaucoup
de personnes me disent que je peux en être fier. Je le suis, mais ce n’est pas
ce sentiment-là qui prévaut, mais bien la peur, omniprésente : celle de me
laisser à nouveau enfermer dans d’autres prisons. L’audace est donc plus que
jamais de mise. Je vous souhaite à toutes et
à tous d’être audacieux et d’avoir la force, pour cela, d’accueillir vos peurs
les plus enfouies : elles seront vos plus précieuses alliées. |
Accompagner : une affaire de sens ?
Posted on 15 November, 2014 at 12:31 |
![]() |
Il est donc souvent question de
sens. Dans sa dimension horizontale
et temporelle d’abord : il y a un « avant », si possible à
dépasser, un « présent » que vit la personne et un
« après » qui devrait idéalement correspondre à une amélioration.
Dans cette acception, le mot « sens » signifie « direction » : l’accompagné désire avancer sur son
chemin de vie professionnelle et accepte de mettre en place des changements
soit au niveau du contexte déclencheur de la problématique soit au niveau de
ses comportements et de ses attitudes. Dans sa deuxième acception, trouver
du « sens » passe également par une dimension verticale. Il
s’agit d’abord de changer d’ « altitude » pour prendre de la hauteur,
du recul, pour observer, comprendre, accueillir la situation. Cette élévation
permet en même temps – apparent paradoxe – à l’accompagné de mieux descendre en
soi, de sonder ses profondeurs, ses émotions, ses besoins, ses rêves et, plus difficiles à
admettre, ses propres freins, ses propres « diablotins ». Dans cette posture à la fois extérieure
et intérieure, l’esprit analyse, nomme, décortique, sépare, trie, hiérarchise :
l’accompagnement est alors un processus cognitif qui passe par l’expression,
l’extériorisation d’éléments souvent non explicités, donnant ainsi un sens, une
signification à ce qui émerge,
parfois à la surprise de l’accompagné. Mais l’esprit seul ne suffit pas. Au
raisonnement, il est nécessaire d’associer les résonnances : si l’esprit raisonne, l’âme résonne et cela au niveau de notre corps, véritable instrument de
musique dont les vibrations, l’énergie et les notes donnent des informations
significatives, donneuses de sens, au binôme accompagné-accompagnant. Le mot « sens » gagne
donc, grâce au corps, une dimension de « joui-sens »
(selon les termes de François Cheng dans son très bel ouvrage, Cinq méditations sur la mort autrement dit
sur la vie) : vivre une vie professionnelle équilibrée passe également
par la capacité d’être présent à soi-même, d’être à l’écoute de son corps, siège
des émotions et véritable gant de l’âme. Une attention tout particulière est donc
consacrée à nos « sens-ations »,
agréables et fluides quand nous habitons et investissons pleinement notre activité
et que cette dernière a du sens pour nous. Ou alors, dans le cas contraire, des
« sens-ations » désagréables,
parfois douloureuses, s’imposent à nous, laissant notre enveloppe charnelle
parler pour nous à travers un certain nombre de tensions et de blocages
significatifs. C’est donc en faisant appel à
l’esprit, à l’âme et au corps que l’accompagné peut donner à la fois une signification et une direction à son chemin de vie. Ou,
autrement dit, c’est probablement en cheminant vers soi-même que l’on peut
dessiner avec plus de netteté les contours du chemin à venir. La tâche de
l’accompagnant consiste alors non pas à guider la personne sur une voie toute
tracée, mais à lui permettre de découvrir par elle-même le sens de ce qu’elle
est en train de vivre et de ce qu’elle veut encore découvrir. Car, pour
reprendre François Cheng, « de fait nous n’obtiendrons pas la
Vérité, qui ne peut se posséder, mais ce qui nous importe avant tout, c’est
d’être vrais : lorsqu’on est vrai, au moins a-t-on une chance non pas
d’avoir la Vérité, mais d’être dans la Vérité ». Bonne
suite de chemin, intérieur et extérieur, à toutes et à tous ! Cet article est une version améliorée de l'édito du mois de septembre 2014 publié sur le site de Coaching-Services |
Être seul ensemble
Posted on 10 August, 2014 at 8:31 |
![]() |
Comme
j’ai pu l’expliquer dans certains de mes textes précédents, j’ai pris
l’habitude, depuis 2009, de me retirer du monde lors de mini-retraites mensuelles
et à l’occasion d’une parenthèse annuelle de 4 à 6 jours. Cette année, la vie m’a
invité à me rendre à l’ermitage de Pierre Pradervand à la Bréona, au dessus de
la Forclaz en Valais (Pour plus d’informations : http://www.vivreautrement.ch/ateliers/prochains-ateliers/evenement/6-ermitage-ermitage-d-ete-de-breona-val-d-herens). Pierre
y accueille depuis plusieurs années des personnes venant des quatre coins du
monde afin de leur permettre de re-découvrir la plus grande richesse qu’elles
puissent posséder : les (res)sources qu’elles ont en elles-mêmes. Des moments
communs de méditation, de partage autour de lectures, de films, de repas –
préparés principalement par l’hôte et/ou par des participants désireux de le
faire, en l’occurrence Manuela lors de mon séjour – alternent avec de
nombreuses plages pendant lesquelles chacune et chacun savoure la vie de la
manière qui lui convient le mieux : lecture, discussions, écriture,
ballades, sieste, jeux,… Arrivé
à destination, sac à dos comme souvent trop chargé sur les épaules et après
deux heures de marche depuis les Haudères, j’ai eu l’impression de me retrouver
aux origines de la terre : mis à part les quelques mayens et la présence
lointaine d’une petite route ainsi que d’un pont situés au fin fond de la
vallée, la nature est vierge de toute trace de civilisation. La myriade de
fleurs et de plantes forme, tel un tableau pointilliste, un ensemble à la fois
disparate et cohérent ; le chant intermittent des oiseaux ainsi que le
grondement continu du torrent adjacent au chalet interprètent une partition qui
semble avoir été composée non pas pour
mais par eux. C’est
donc dans cet environnement propice au ressourcement physique, psychique et spirituel
que je me suis retrouvé…non sans quelques craintes, je l’avoue. En effet,
l’objectif principal de mes retraites est de m’exercer à l’art du
« solitaire solidaire », dans une solitude choisie destinée à
accorder mon « violon intérieur » pour que celui-ci puisse à nouveau jouer
de manière claire et distincte dans l’orchestre des interactions
« mondaines ». Une discipline qui vise également à me protéger de
moi-même, notamment de ma tendance à être (hyper)disponible, à l’écoute,
serviable, accueillant….et d’oublier mes besoins et mes désirs au bord du
chemin. Or,
même si la « formule » proposée par Pierre Pradervand porte le nom d’
« ermitage » et que le silence est, en principe, de rigueur, j’ai
très rapidement fait le constat que ce besoin de solitude ne pourrait être
couvert, du moins pas de la manière dont je l’imaginais. Rien qu’à l’idée de devoir
partager un espace restreint – vu d’en haut, le mayen ne semble guère plus
grand qu’un mouchoir de poche – avec un peu plus de dix personnes me semblait
un défi insurmontable. Pourtant,
j’y suis resté et avec beaucoup de bonheur. L’accueil chaleureux de toutes les
personnes présentes ainsi que l’extraordinaire disponibilité et générosité de
Pierre m’ont aidé à dépasser mes propres obstacles et à me libérer de ce qui
aurait pu devenir ma propre prison. Je me suis réellement senti accompagné. Notre
hôte m’a d’ailleurs très rapidement proposé de préciser mes attentes et mes
besoins vis-à-vis du groupe. J’ai été le plus honnête possible et j’ai pu
constater, tout au long du séjour, à quel point mes propos avaient été entendus
et accueillis avec bienveillance et non-jugement par tous. Comme
dans toute étape propre au changement intérieur, il est sans doute trop tôt
pour dire ce qui a « bougé » en moi et en quoi ces (presque) 4 jours
ont participé à ma transformation : tel le petit Poucet, mon corps, mon
esprit et mon âme sèmeront leurs cailloux de sens tout au long du chemin à
venir. Une
chose est sûre cependant depuis mon retour en plaine et au monde : mon
besoin, déjà bien présent avant mais dont j’ai encore plus pris conscience, de
prendre les personnes que j’aime dans mes bras et de les serrer contre moi (pas
trop fort, quand-même). Une manière simple, vraie, silencieuse, profonde,
énergisante et ressourçante d’être « seul ensemble », de partager
deux solitudes sans qu’elles fassent nécessairement « un » mais se
relient en elles-mêmes, à elles-mêmes et à l’Autre. Un merci
du fond du cœur à Pierre et à toutes les personnes présentes entre le 28 et le
31 juillet 2014 : elles se reconnaîtront. |
Le texte du corps, le corps du texte
Posted on 5 June, 2014 at 17:36 |
![]() |
La
lecture toute récente du livre de Laurence Tardieu, L’écriture et la vie, (Editions Des Busclats, 2013) ainsi que la
magie du lieu où je me trouve pour ma « mini-retraite » mensuelle –
la Maison des Anges : à découvrir de toute urgence ! – m’encouragent
à me pencher sur deux compagnons de route indispensables depuis 2008 : mon
corps et l’écriture. La
relation que j’entretiens à mon corps a toujours été ambiguë. D’une part, je lui
porte une certaine attention par un minimum d’exercice physique, des soins
réguliers et un choix vestimentaire susceptible de le mettre discrètement en
valeur. De l’autre, pourtant, je n’ai jamais été tendre avec lui et porte
parfois encore aujourd’hui un regard jugeant et critique sur mon enveloppe
charnelle. Mon
manque de bienveillance vis-à-vis de ce que St François d’Assise appelait son
« frère âne » – à qui le saint homme demande d’ailleurs pardon à la
fin de sa vie pour l’avoir tant maltraité – m’a sans aucun doute conduit à
l’épuisement : non content de concilier une vie professionnelle trépidante
et une vie privée « normale » (marié, deux enfants…et tout ce qui va
avec), je m’astreignais à 3-4 heures hebdomadaires de fitness…le matin entre 7h
et 8h. Pure folie, quand j’y repense aujourd’hui. Un choix qui, à l’époque, me
semblait pourtant logique et censé, ancien sportif de compétition que j’étais.
Ou plutôt que je m’illusionnais d’être encore. Ainsi
ignoré et violenté, mon corps a implosé : mon système nerveux a tout
simplement mis un terme à ma course effrénée. Et ne m’a ensuite plus lâché :
vertiges, jambes et bras insensibles, tachycardies, maux de ventre inexpliqués
(Les médecins consultés me disaient tous : « Vous allez très bien,
Monsieur Mack, vous êtes juste malade ») sans parler des crises de calcul
rénaux et biliaires ainsi que des mots de dos omniprésents. Même si
aujourd’hui, plus de six ans après mon burn-out, les symptômes neurologiques
et/ou psychosomatiques ont soit disparus ou sont moins insistants, mon corps
reste un précieux allié. Notre
corps nous parle en effet sans arrêt. Il nous renvoie une vérité, notre vérité.
Et, plus nous nous mentons et plus nous faisons la « sourde
oreille », plus il se fait entendre. Jusqu’au jour où, de guerre lasse, il
prend le dessus et nous sommes de nous arrêter. En utilisant un langage parfois
définitif. En
ce qui me concerne, le choc et le traumatisme suite à mon burn-out ont été si
importants que, dans les premiers temps du moins, je frisais
l’hypocondrie : à chaque début de douleur, j’angoissais et craignais la
rechute. Si cette peur s’est aujourd’hui apaisée, je consulte très souvent Le grand dictionnaire des malaises et des
maladies de Jacques Martel afin, d’une part, de faire des hypothèses
sur les origines des douleurs qui m’empêchent de vivre sereinement et, d’autre
part, introduire les modifications nécessaires dans ma vie – changements de
comportements ou d’attitudes, voire de situations – et réguler ce qui est en
mon pouvoir. Mon corps est donc un coach de vie au quotidien : il est un
miroir de mes états d’âme et, de par son langage indirect nécessitant un
décodage, il m’oblige à me questionner sans cesse sur mes choix, à rester à son
écoute avec bienveillance et patience. Sans pourtant tomber dans la
crispation : un rhume n’est parfois…qu’un simple rhume. L’écriture me libère et me pacifie, me réconcilie avec mes
blessures. Car elle me permet d’en prendre soin. Quand
je pose ma plume sur les pages vierges de mon carnet ou mes doigts sur le
clavier de mon ordinateur, je suis dans une autre dimension :
l’espace-temps habituel s’efface pour laisser place à un monde où tout me
semble possible, où je me sens libre, sans entraves. À la fois dans une grande
verticalité, relié à moi-même, et une horizontalité ouverte, reliée aux autres
et au monde qui m’entoure. Où je parle de moi, de mon vécu, des mes émotions,
de mes erreurs, de ma vulnérabilité, des mes apprentissages, des beautés et des
horreurs, des états de grâce et des petits enfers en moi et à l’extérieur de
moi. Sans pour autant, je l’espère du fond du cœur, tomber dans
l’auto-contemplation narcissique : chaque mot, chaque phrase aimerait être
à la fois porteuse de vérité – non pas LA vérité mais ma vérité du moment,
amenée à se déplacer – et porteuse de sens pour la ou les personnes qui me
lisent. Car, en parlant de moi, je mets des mots sur les maux des autres. Le
corps comme l’écriture nous font sentir vivants. Or vivre est une prise de
risques permanente. L’écoute de notre corps et le pari de l’écriture ne sont
donc pas sans dangers. Mus par leur amour de la vérité, ils nous invitent tous
deux à mettre le doigt « là ou ça fait mal » – au propre comme au figuré.
Et, de plus, le langage corporel et écrit, si on en a le courage, nous initient
à une quête sans fin : celle du sens de la vie et de notre vie. Une
recherche dont l’amour ne devrait pas être absent. Que seraient en effet le
texte du corps – ce langage d’autant plus complexe à déchiffrer qu’on a peur de
le comprendre – et le corps du texte sans bienveillance et non
jugement ? N’oublions pas que nous
sommes souvent nos propres ennemis et que tout outil dépend de l’intention que
nous mettons dans son utilisation. Et que, sans amour, tant le corps et
l’écriture peuvent se retourner contre nous. Toutes les photographies utilisées pour illustrer ce texte sont de Anne Deniau et tirées de la page internet http://lemotetlachose.blog.lemonde.fr/2013/08/21/a-la-rencontre-danne-deniau-image-mover/ |
L'accompagnement : un luxe inutile ?
Posted on 6 May, 2014 at 9:15 |
![]() |
Le temps pour Chemin, le temps du chemin
Posted on 5 April, 2014 at 5:01 |
![]() |
Comme
souvent dans une phase de transition ou après une rétro-boucle (« reculer
pour mieux sauter »), la vie me mène dans un lieu magique où j’aime me
ressourcer, me recentrer, m’accorder du temps ou m’accorder tout court :
l’Hôtel-Pension Beau-Site, à Chemin-sur-Martigny. Il y a d’abord la maison,
construite en 1912, dans et autour de laquelle le temps semble s’être arrêté,
loin de la course et du rythme souvent effréné du monde « d’en-bas », cette réalité qui semble à des années lumières une fois que l’on a bravé les lacets
étroits qui mène de Martigny-Croix à Chemin-Dessus. Comme
le dit le petit dépliant de présentation que l’on trouve sur le secrétaire de
la chambre : « l’atmosphère particulière du Beau-Site ne peut pas se
décrire, elle doit être vécue » (Plus sur www.chemin.ch, avec un clin d'oeil de gratitude au passage pour toute l'équipe qui travaille, à l'ombre et au soleil, pour servir la vie et l'esprit du lieu).
Pour ma part, j’apprécie tout particulièrement la présence de
ces gardiens de la montagne, témoins du temps et de la vie, et j’en choisi à
chaque visite un autre – c’est d’ailleurs plus souvent lui qui me choisit –
pour l’étreindre, dialoguer avec lui et m’inspirer de sa sagesse. L’énergie
de Chemin et ses environs est donc plus que propice pour méditer sur le sens de
son propre cheminement, de ce que la vie nous permet de vivre, que cela soit
joyeux ou douloureux, et de faire le point pour avancer le plus sereinement
possible…jusqu’à la prochaine bifurcation. Le
temps pour Chemin est plutôt prévisible : environ une heure et demie
depuis mon domicile. La route est toute tracée, ma voiture la connaît presque par cœur.
Mis à part les éventuels bouchons en fin d’après-midi et les quelques rares
véhicules indigènes qui ont la "mauvaise" idée d’emprunter l’itinéraire – digne
d’un rallye corse – dans le sens inverse du mien, m’obligeant parfois à
transformer mon modeste moyen de transport en un 4x4 rugissant, le trajet est
sans surprise, du moins en théorie. Le
temps du chemin de vie est, on s’en doute, bien différent. Il n’est ni
prévisible, le parcours n’étant ni tout tracé ni sans surprise, même en
théorie. Et pourtant, que la tentation est grande de désirer que ce parcours soit
une route balisée, cartographiée, répertoriée, « gps-isée », donc maîtrisable
et maîtrisée. J’en veux pour preuve non seulement mon expérience personnelle, mais
également celle des personnes que j’accompagne et qui, si elles n’y sont pas
rendues attentives, veulent prendre des décisions sans se laisser le temps de
se poser les bonnes questions. Dobelli conclut son texte par une citation de Blaise Pascal : « Tout le malheur des hommes provient du
fait qu’ils ne sont pas en mesure de rester tranquillement dans leur
chambre ». Et
c’est exactement ce que je fais lorsque je me rends à Chemin : hormis la
ou les ballades dans la « forêt éternelle », je reste, tel un moine
dans sa cellule, cantonné dans « ma » chambre. À lire, méditer,
écrire, écouter de la musique, dormir, rêvasser. Bref, à ne rien entreprendre
pour faire évoluer la situation. Si ce n’est – et c’est essentiel – prendre
soin de moi.
La
question qui se pose – et elle finit toujours par être formulée – est :
mais quand est-ce que je sais que je peux ou dois agir, entreprendre quelque
chose, prendre une décision ? Pour abréger l’inconfort voir la douleur liée
à cette incertitude, il serait aisé de donner une réponse assortie d’un délai.
Rolf Dobelli – manager et financier, précisons-le – cite des recherches qui sont
formelles : au plus tard après trois mois, le ciel de notre esprit est
suffisamment serein pour qu’il soit bon d'agir et de faire des choix. Cette
réponse n’est pas satisfaisante, surtout lorsqu’il s’agit de décisions
qui engagent l’avenir de la personne qui les prend. Cette échéance rassure
certainement notre société qui vise à réintégrer ou à réinsérer au plus vite
une personne « en crise » afin de ne pas rompre la chaîne de
productivité et pour éviter de générer des coûts souvent exorbitants. Mais mon
expérience m’amène à dire que le fait de prendre la tangente pour, le plus
rapidement possible, se relever et se remettre en selle peut s’avérer une
mauvaise stratégie : la personne aura apparemment résolu la situation problématique en
adaptant éventuellement quelque peu la réalité, mais n’aura pas traité le
problème à la racine. Et comme nous faisons toujours partie du problème, la solution passe donc obligatoirement par un travail sur soi et donc par un processus
qui prend du temps. Et, pour reprendre les propos de Lytta Basset, les
injonctions du type « il faut »
sont souvent contre-productives, surtout lorsqu’il s’agit d’aller au fond des
choses, au fond de soi, au fond de sa blessure (Au-delà du pardon. Le désir de tourner la page. Paris, Presses de
la Renaissance, 2006, p. 121) « Mais
alors, me direz-vous, combien de temps doit-on attendre pour passer à l’action
et prendre une décision ? Trois mois ? Plus ? Une vie ?
Quelle horreur ! ». Et vous auriez raison de vous insurger. Et
pourtant : la réponse est impossible, car elle n’est ni universelle ni
définitive. Comme dirait Fernand Raynaud dans le sketch où il demande combien
de temps il faut à un canon pour refroidir après avoir tirer un boulet :
« Ça dépend ». Et ça dépend de tellement de facteurs qu’il est
impossible de donner une réponse claire et, donc, satisfaisante pour calmer
notre angoisse. Se dessine ici le cœur d’un art qui demande patience et discipline :
celui de savoir attendre que les fruits soient mûrs et de pouvoir rester à
l’écoute de notre cœur et de notre intuition. Pour, entretemps, se donner cette
douceur envers nous-même qui souvent nous fait défaut et se concentrer sur la
seule chose qui soit en notre possession, « une chose qui n’est pas
rien : l’instant (…) À côté de la certitude de la mort, il y a en nous
cette certitude d’être les maîtres de l’instant » (François Cheng, Cinq méditations sur la mort autrement dit
sur la vie. Paris : Albin Michel, 2013, p. 50). Si
vous vous trouvez actuellement à un carrefour de votre vie, je vous propose
donc de vous arrêter, de prendre le temps qui vous sera nécessaire pour faire
la paix avec vous-même et avec le monde, pour évaluer le chemin parcouru – et
dont vous pouvez être fiers, car personne à part vous n’a vécu votre vie – et
scruter l’horizon tel que vous aimeriez le peindre, le sculpter, le créer. Sans céder
au chant des sirènes de "l’action à tout prix" ni à la pression d’un entourage
aussi et parfois même plus anxieux que vous. Et, pourquoi pas, vous faire
accompagner pour y voir plus clair en vous-même et par rapport à vos choix
futurs, en répondant à l’injonction tout sauf paradoxale : « Sois autonome,
demande de l’aide ! » (G. Le Cardinal). Bon chemin ou Chemin…ou les
deux, à vous de choisir. |
Categories
/