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Être seul….vraiment ?
Posted on 9 June, 2018 at 17:11 |
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De
retour dans mon lieu de retraite favori, accueilli avec bienveillance et humanité
malgré des circonstances difficiles pour toute l’équipe sur place, je savoure
ces instants de solitude et de
rendez-vous avec moi-même, marqués par des balades, des temps d’écriture, de
lecture et de repas. Plusieurs interrogations cependant me taraudent : suis-je
vraiment seul ? pourquoi ces moments de solitude me font-ils tant de
bien ? et pourquoi est-ce que je ressens de la tristesse à chaque fois que
je me prépare pour mes week-ends de mini-retraite ? Ces
questions font écho au sentiment de solitude que vivent certains clients et
dont ils souffrent parfois : l’impression que les autres ne peuvent réellement
comprendre ce que ces personnes endurent, d’être non seulement seuls mais également isolés par un vécu que les autres ne partagent pas ou n’ont jamais
partagés. Dans une problématique différente que j’accompagne actuellement, un
collectif se plaint d’un des travers les plus fréquents dans le cadre d’un « management » déshumanisant : « on »
(les supérieurs, difficilement identifiables) demande au groupe d’être autonome
et, lorsqu’il y a problème, il n’y a plus personne pour épauler les employés
demandeurs.
Je
ne peux que partager ce sentiment voir cette souffrance qui me renvoie à mon
vécu du burn-out, pendant lequel j’ai effectivement ressenti une profonde et
parfois abyssale solitude doublée d’un sentiment d’isolement au sein d’une
communauté, familiale et professionnelle, pour laquelle j’avais l’impression d’être
un pestiféré que l’on considérait certes avec bienveillance et un brin de
condescendance, mais que l’on aurait aimé voir guérir et revenir à la
« normale » le plus rapidement possible. Comme
le dit si bien Jacqueline Kelen [3],
« on est toujours plus seul qu'on ne le croit et bien moins seul qu'on ne
pense ». L’auteur ne fait cependant pas uniquement allusion aux personnes
qui nous accompagnent sur ce chemin aride et accidenté de la solitude :
elle ouvre des portes qui peuvent nous permettre d’accepter et de transcender
ce vécu. Le
fait que la solitude soit perçue comme un isolement par la personne qui la
subit et en souffre repose donc sur un mythe : celui de la fusion, de la
symbiose. L’autre – quel qu’il soit – devrait non seulement être capable de
« lire » notre monde mais en plus être à même de le comprendre et de
l’accepter…alors que nous sommes souvent bien maladroits voire incapables de
faire de même en regard de notre univers, voire de nos « multivers »,
de nos multiples univers… Or,
c’est justement cette même solitude, mais choisie cette fois – « La seule
solitude qui vaille c'est celle qu'on choisit, pas celle qu'on subit [6] »
– qui nous permet d’aller à la rencontre de nous-même. Pour le dire avec les
mots de Lytta Basset, « consentir à sa solitude, c’est devenir homme et
femme, devenir un [7] ». Ce
voyage n’est pourtant pas une balade d’agrément, car, comme le souligne
Jacqueline Kelen, « cette immensité peut faire peur, car elle demande des
égards et requiert des devoirs [8]. » :
découvrir et explorer ces mondes qui nous constituent et qui s’entrechoquent
parfois demande en effet à la fois une grande capacité de bienveillance et de
patience envers nous-même ainsi qu’une compétence de négociation et de mise en
dialogue de nos diverses facettes. Un apprentissage
permanent qui, en plus de la difficulté de la tâche, n’est ni facilité ni
encouragé par la société actuelle pour qui la communication est avant tout une
affaire d’extimité, c’est-à-dire d’une intimité travestie, un « faux
self » publié via les réseaux sociaux. Or, si l’on en croit Nicole Fabre
« c'est dès l'enfance que nous devrions éduquer ceux qui nous sont confiés
à supporter et à aimer la solitude. Ne pas leur donner en pâture les groupes
d'amis qui, en retour, les absorberont. Supporter de les voir parfois s'ennuyer
ou perdre du temps afin que naissent les désirs, que se développe le rêve -
leur rêve. Mais, pour cela, il nous faut croire en la valeur de la solitude,
savoir et croire qu'elle est féconde et qu'elle nous rend capable d'être nous-mêmes
lorsque nous retournons au milieu des autres [9]". Apparaît
ici la deuxième porte susceptible de donner du sens au sentiment de solitude
profond que vivent certaines personnes : pour entrer réellement en
relation avec les autres, il est nécessaire d’être seul et, lorsqu’on est seul,
on est relié aux autres, « alone, all one : seul avec tous [10] ».
La solitude, surtout lorsqu’elle choisie et assumée, nous permet en effet dans
un premier temps d’entrer en relation avec nos émotions, nos pensées, nos besoins,
nos envies, nos élans, nos rêves – tout ce qui constitue notre monde intérieur
– pour ensuite pouvoir véritablement nous relier aux autres, à leur propre solitude
et à leur univers. L’idéal de la relation serait donc d’être un
« solitaire sociable [11] »
ou, comme j’aime à le dire, « un solitaire solidaire » qui aime à la
fois « être seul en étant accompagné et être accompagné en étant seul [12] ».
Ce
qui me touche et me frappe chez mes clients qui traversent, chacun à sa façon,
ce désert de solitude vécue comme un isolement, c’est le fait qu’ils trouvent
pour la plupart une grande ressource dans le contact avec la nature – et, si
possible, en étant seul. De mon point de vue, ces personnes prennent ainsi soin
de leur lien non seulement aux autres mais également – voire surtout – à
l’Autre : au Grand Tout, à l’Univers, au Souffle, à la Source. Peu importe
le nom que chacun-e veut bien lui donner, le vécu de la solitude « entendue
comme un isolement dramatique (…) apparaît dès lors comme un terreau possible
pour un approfondissement, une découverte quasi métaphysique de l'homme à la
fois perdu et relié [13] ».
C’est donc en assumant sa solitude et en en prenant soin qu’on peut y trouver une ouverture, une « reliance [14] »
à soi, aux autres et à l’Univers – un paradoxe qui n’est qu’apparent. Que
cela soit dans le parcours de vie de mes clients ou dans le mien, les moments
de solitude vécue comme un isolement, comme un exil involontaire et subi,
alternent ainsi – ou, en ce qui me concerne, ont alterné – avec des moments de
solitude choisie et revendiquée, car ressourçante et reliante. Et, peu à peu,
pas après pas, ce qui est fuit devient objet de sollicitude jusqu’à devenir un
besoin incontournable et non négociable : la solitude devient un lieu
ressource, parfois refuge, qui permet de se reconstruire, de se
« re-co-naître » et de revenir renouvelé vers les autres. En d’autres
termes, « pour se découvrir capable d'attachement, il faut avoir été
attaché puis détaché. Pour vivre sa solitude dans ce qu'elle a de plus profond,
de fondamental, à la fois douloureux et riche, il faut en somme avoir joué au
fort-da [15] ». Je
comprends dès lors mieux l’irrésistible élan qui habite certains de mes clients
– et qui m’a hanté longtemps également – de quitter celles et ceux qui leurs
sont chers (c’est le « fort » qui, en allemand veut dire,
« loin »), suivi par une phase pendant laquelle l’exilé plus ou moins
volontaire revient « au port » (le « da » qui, en allemand,
signifie « là »), plus heureux que jamais de retrouver les liens
initiaux, privés ou professionnels. Et j’arrive également à mettre des mots sur ce sentiment ambigu et
diffus que je ressens à chaque fois que je fais mes valises pour une ou deux
journées de véritable solitude choisie, assumée et revendiquée : au fond
de moi, « quelque chose » doit à chaque pouvoir s’arracher, se
détacher – Fabrice Midal dirait, au sujet de la méditation, se « dés-attacher »
- pour mieux revenir et réinvestir les liens et aussi les rôles du quotidien. Même
si la tâche n’est pas dès plus accessible et que la grâce est indissociable
d’un effort, je ne peux que vous encourager, chères lectrices et chers
lecteurs, à prendre soin de vous en vous donnant la permission d’aménager des
moments de solitude que chacune et chacun habitera comme bon lui semble. Il
n’est à mon avis pas nécessaire de se retirer du monde pendant plusieurs
années, comme l’a fait Matthieu Ricard, moine bouddhiste et interprète du Dalaï
Lama : quelques minutes ou heures suffisent parfois à condition d’être
respectées de manière régulière. Je me souviens d’un cadre d’une ville de la
Côte qui me disait qu’il restait parfois volontairement enfermé dans les
toilettes du bureau plus longtemps que nécessaire, car c’était le seul endroit
où on ne venait pas le déranger. Comme ce monsieur – si vous permettez le jeu
de mots facile et douteux – restez à l’écoute de vos besoins les plus profonds. Les illustrations de cet article sont toutes des photographies réalisées par Evynn LeValley dont la sensualité et les nuances de la série "Feminine Solitude" m'ont beaucoup touché (pour plus de détails : http://www.evynnlevalley.com/fineartFS.php) [1] André, C. (2006). Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l'estime de soi. Paris: Odile Jacob. [2] Basset, L. (2010). Aimer
sans dévorer. Paris: Albin Michel, p. 201. [3] Kelen, J. (2005). L'esprit
de solitude. Paris: Albin Michel, p. 197. [4] Lenoir, F. (2012). L'Âme
du monde. Paris: NiL Editions, p. 146-147 [5] Servan-Schreiber, J.-L. (2015). C'est la vie. Essais. Paris: Albin Michel, p. 28 [6] André, C. (2006). Imparfaits,
libres et heureux. Pratiques de l'estime de soi. Paris: Odile Jacob, p. 237 [7] Basset, L. (2010). Aimer
sans dévorer. Paris: Albin Michel, p. 201 [8] Kelen, J. (2015). Sois
comme un roi dans ton coeur. Entretiens. Genève: Labor et Fides, p. 32 [9] Fabre, N. (2004). La solitude. Ses peines et ses
richesses. Paris: Albin Michel, p. 29
[10]
Kelen, J. (2005). L'esprit de solitude. Paris: Albin Michel, p. 198 [11]
André, C. (2006). Imparfaits, libres et heureux.
Pratiques de l'estime de soi. . Paris: Odile Jacob, p. 237 [12] Corneau, G. (2003). Victime des autres, bourreau de soi-même. Paris : Laffont. [13] Fabre, N. (2004). La solitude. Ses peines et ses
richesses. Paris: Albin Michel, p. 67 [14] Guérin, P. & Romanens, M.
(2010). Pour une écologie intérieure. Paris: Payot. [15] Fabre, N. (2004). La
solitude. Ses peines et ses richesses. Paris: Albin Michel, p. 80
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Être dans le contrôle…et le perdre.
Posted on 3 February, 2018 at 11:48 |
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Après plusieurs mois de cheminement, je m’octroie à nouveau une pause dans
mon pèlerinage. L’occasion de faire le point sur mes émotions, mes besoins, mes
envies. Sur ce qui m’habite tout au fond de moi et que j’ai parfois de la peine
à entendre dans le tumulte d’un quotidien (à mon goût souvent trop) bien rempli
et bruyant.
C’est aussi la première fois depuis le mois de novembre 2016 et depuis
la publication de mon témoignage écrit cet automne que je me prépare à rédiger
un article pour mon blog – exception faite de ma contribution de début janvier,
une reprise d’une « commande » des mes collègues et amis de
Coaching-Services. Bien que décidé à « accoucher » de nouvelles
réflexions, je me retrouve sans aucune inspiration, mon intuition me soufflant
de manière répétée que, au fond, je n’ai besoin de rien et encore moins
d’écrire. Je lâche prise et me dis que, à part moi, personne n’attend quelque
production que ce soit. Et que, quand l’envie de me mettre au clavier viendra,
je serai à l’écoute. Comme souvent lors de mes « mini-retraites » d’un week-end,
je me fais plaisir en regardant un film dont je sais qu’il a de fortes chances
de ne pas obtenir les suffrages de ma famille pour nos soirées TV communes. Ce
soir-là, je jette mon dévolu sur un film sorti en janvier 2017 et présenté au
festival de Sundance : To the Bone
(Jusqu’à l’os) qui raconte l’histoire de Ellen (interprétée avec beaucoup
de finesse et justesse par Lily Collins,
fille aînée de Phil), une jeune fille anorexique de 20 ans, et son chemin vers
la guérison. Que cela soit dans la bande annonce ou dans le récit, il est frappant
de voir à quel point les personnages mettent de l’énergie à contrôler leur
corps, leur poids et leur alimentation : mesures incessantes du tour de
bras par exemple, exercices physiques à outrance, vomissements forcés,
connaissances extrêmement pointues du nombre de calories présentes dans
l’assiette, obsession du poids. Une « contrôlite » qui débouche au
mieux sur des pertes de connaissances ou, à l’extrême, sur la mort. Et, donc,
sur une absence totale de contrôle sur sa vie. C’est en effet ce paradoxe que j’aimerais principalement relever ici.
Du haut de notre « tour de contrôle »[2] dont
la hauteur nous est utile, pensons-nous, à nous orienter dans une société qui
met en avant des valeurs de performance et de réussite, nous nous illusionnons de
pouvoir maîtriser le temps ainsi que le cours de notre vie. Nous gérons notre
existence comme nos comptes en banque, avec objectivité, anticipation,
planification et intérêts. Nous pensons pouvoir contrôler l’imprévu et
l’imprévisible, les aléas du présent comme les incertitudes de l’avenir. Craignant d’être affectés, modifiés, transformés voire détournés pas nos
émotions, nos sentiments et nos blessures, nous nous emmurons dans une prison
que nous nous construisons nous-mêmes et dont nous sommes à la fois le
prisonnier et le geôlier. Poussés par
notre mental, fidèle allié de notre ego dans sa volonté de contrôler ce qui
pourrait représenter une menace à ses routines, et nous identifiant à nos
croyances et à nos schémas inconscients, nous nous mettons très souvent sur
mode « pilote automatique », confondant action avec réaction et privilégiant
le faire à l’être. C’est ainsi que, paradoxalement, la volonté de maîtriser
notre vie, extérieure et bien plus encore intérieure, débouche sur une perte de
contrôle. Réglé sur mode automatique, notre pilote augmente en effet les possibilités
de sorties de route : burn-out, dépression, accidents, maladies
chroniques. Nous pensons
gagner notre vie en nous lançant des défis dont la réalisation nous rassure, sans
prendre en considération que nous nous éloignons parfois de l’essentiel et de
l’essence. Que nos vies ressemblent parfois à une course contre le temps et que
nos journées, pourtant bien (voir trop) pleines, sont parfois vides de moments
de plénitudes. Mais alors,
me direz-vous, comment se sortir de ce cercle vicieux et de cette prison ?
Comment remettre un véritable pilote dans notre véhicule de vie ? Principalement
en prenant conscience de ce que nous ne voulons pas voir et ce qui nous fait
peur : notre intimité, nos émotions, notre vulnérabilité ainsi que nos
schémas récurrents et nos croyances, certes utiles mais parfois très limitantes.
Car, « lorsqu'on est conscient d'une chose, on peut prendre le contrôle
sur cette chose. Lorsqu'on n'est pas conscient d'un sentiment, c'est lui qui a
le contrôle sur vous »[5]. Ce que l’on appelle communément un « travail sur soi » revient alors
à observer, nommer et à accueillir avec bienveillance ce magma intérieur que
constituent notre affectivité, nos peurs, nos doutes. Sans oublier notre
tendance à la Toute-Puissance qui représente souvent une réponse à la peur de
perdre de contrôle…et une autre manière de contrôler notre vie ou ce que nous
aimerions qu’elle soit. Il ne s’agit
nullement de livrer un combat contre nos démons – ce qui équivaudrait à vouloir
reprendre le contrôle, une lutte dont on sort presque toujours perdant et qui
contribue à l’épuisement – mais de se réconcilier avec eux en leur laissant une
place mais pas toute la place. Cette
acceptation, cet accueil de toutes les parts de soi nous permet également de
lâcher prise et de faire confiance, car « plus nous progressons dans ce
travail de lucidité, d'individuation, de consentement à la vie, plus nous
découvrons que nous ne sommes pas uniquement cet ego auquel nous nous sommes
identifiés »[6]. Dans le film
à l’origine de ces réflexions, une scène significative renvoie à cette
négociation nécessaire avec nos voix intérieures, avec nos saboteurs et
imposteurs préférés : lorsque Ellen se plaint auprès du docteur Beckham
(interprété par Keanu Reeves) de son incapacité à désobéir à cette voix harcelante
qui lui dicte ses actions, son interlocuteur lui propose d’accueillir cette
présence plutôt que de la nier ou de lutter contre elle et ensuite de lui dire,
avec force et conviction : « Va te faire foutre ! » et de
lui désobéir. Commence
alors un véritable travail de libération qui débouche souvent sur une liberté à
la fois intérieure et extérieure. Nous faisons des choix de vie, privée et/ou
professionnelle, en nous appuyant sur une meilleure connaissance de qui nous
sommes réellement, avec nos lumières et nos ombres, nos forces et nos limites.
Nous acceptons de contrôler ce qui peut l’être (pas grand chose, au fond) et de
rendre aux autres et à la vie ce qui leur appartient. Ce qui nous rend plus
légers, plus libres. Et, surtout, plus vivants. Car reliés à ce qui fait que
nous sommes à la fois uniques, différents et universels. À vous toutes
et tous, chères lectrices, chers lecteurs, je vous souhaite une très belle
année 2018 riche en aventures intérieures, en cheminements vers soi et…en
pertes de contrôle. [1] Lire à ce sujet l’article du Temps paru le 6 août 2017 (https://www.letemps.ch/sciences/2017/08/06/to-the-bone-cree-controverse-autour-lanorexie) [2] Une expression empruntée
à Labonté, M. L. (2009). Le point de rupture. Comment les chocs d'une vie
nous guide vers l'essentiel. Paris: Albin Michel.
[3] Guérin, M. & Romanens, P. (2010). Pour une écologie intérieure.
Paris: Payot, p. 144
[4] André, C. (2012). Sérénité. 25 histoires d'équilibre intérieur.
Paris: Odile Jacob, p. 58-59
[5] Mello, A. D. (1994). Quand la conscience s'éveille. Montréal &
Paris: Bellarmin & Deslcée de Brouwer, p. 92
[ 6] Lenoir, F. (2015). La puissance de la joie. Paris: Fayard, p. 152
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Être enthousiaste : jusqu’où aller trop loin ?
Posted on 12 November, 2016 at 15:39 |
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Être acteur ou auteur de sa vie ?
Posted on 17 October, 2016 at 15:44 |
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Être en larmes
Posted on 4 June, 2016 at 13:22 |
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« Pleure : les larmes sont les pétales du cœur » (Paul Éluard) Une fois seul dans le train,
je me sonde et tourne mes oreilles en direction de mon cœur et de mon
âme : que se passe-t-il en moi ? quelles sont les émotions qui se font
vives ? quelles sensations dans mon corps ? quels besoins ? quelles "en-vie(s)" ? Et ce qui vient spontanément,
c’est une envie de pleurer, de verser des larmes. Je ne ressens pas le besoin de le faire dans le train mais je sais que, à un moment ou à un autre lors de ces deux jours, mon
cœur et mon âme s’épancheront. Pourquoi ce
besoin ? Je ne vois aucune raison objective, aucun deuil à vivre, aucune
situation qui puisse me rendre triste actuellement. Mon besoin de comprendre
n’en est que plus fort : j’aimerais y voir plus clair, que cela soit en
moi ou chez les autres, notamment par rapport aux personnes que j’accompagne.
Qui, tôt ou tard, finissent souvent par pleurer lors des entretiens. En effet, je me souviens
d’une phrase d’un ami (qui se reconnaîtra certainement) que le fait
d’accompagner les autres était quelque chose d’ontologique chez moi et que
j’étais né pour faire pleurer mes semblables. Je n’ai pas tout de suite saisi la
profondeur de son affirmation mais force est de constater que la vie lui a
donné raison : je passe mon temps, du moins professionnellement, à
susciter cette réaction chez mes clients (à dire vrai, c’est le cas
principalement pour mes clientes). Si, la plupart du temps, la
personne qui se trouve en face de moi s’excuse pour cette effusion
incontrôlable, je me sens au contraire plein de joie et le partage
parfois avec le/la coaché-e- : nous y sommes, le travail peut
commencer ! Pourquoi cette contradiction, du moins en apparence, entre mon
état émotionnel et celui de l’autre ? « Les larmes sont à l’âme ce que le savon est au corps » (Proverbe juif) Les larmes nous libèrent du
personnage que nous interprétons et du masque que nous portons et dont la fonction est d'entretenir l’illusion de solidité, de force et de performance. Comme si toute cette construction en partie factice se démantelait
et laissait entrevoir notre vulnérabilité, notre fêlure intime. Nous permettant
enfin d’être nous-mêmes : imparfaits, humains, humbles, sans fards et sans
besoin de se blinder vis-à-vis des autres – et envers soi, ce qui a des conséquences
parfois encore plus néfastes. Dans un article précédent,
j’évoquais la fable japonaise du samouraï qui, pour retrouver son âme ainsi que
la clé pour ouvrir le paradis et l’enfer en lui, devait réapprendre à pleurer.
Les larmes sont un signe de guérison : la guerrière et le guerrier que
nous sommes toutes et tous se donne enfin la permission de ne plus devoir combattre,
de ne plus devoir céder aux injonctions de perfection et d’apparence de notre
égo, se donnant à soi-même et aux autres l’accès à son cœur, à ses émotions, et
à son âme.
L’amour des mots m’a fait
réaliser que le mot allemand utilisé pour définir les larmes (die Tränen) se prononce presque de la
même manière que le verbe qui qualifie le fait de séparer (trennen). Paradoxalement, le fait de pleurer ne sépare pas mais
permet une réunification de nos deux dimensions principales, du moins selon
Jung : le Moi et le Soi. L’âme, intermédiaire
privilégiée entre ces deux mondes, peut s’exprimer par les larmes qui sont à la
fois une marque de la tristesse qui nous habite (l’ego n’aime pas du tout être
pris au dépourvu !) mais aussi de joie, d’espoir et de guérison : la
part de nous qui a trop longtemps été ignorée voire bafouée se sent enfin
reconnue et revendique le droit d’exister, de vivre. Qui n’a ainsi jamais vécu
l’extraordinaire sentiment de soulagement et de paix intérieure après une crise
de larmes ? Un monde souterrain, trop ignoré, est remonté à la surface,
permettant de nous unir à nous-mêmes et de nous pacifier.
Dans les accompagnements que
je mène, les larmes versées sont donc une garantie d’un processus de guérison
intérieure qui s’est enclenché. Je me garde cependant de toute jubilation
précoce et de prévisions prophétiques douteuses : chacun reste l’expert de
sa propre situation et le processus ainsi entamé appartient à la personne – et
à la vie. Mon rôle consiste peut-être « simplement » à confronter la
personne en toute bienveillance à ses contradictions et à ses dimensions
cachées – qu’elle se dissimule autant à elle-même qu’aux autres – pour…la
faire pleurer et lui permettre d’avancer sur son chemin intérieur et, par conséquent, extérieur. Deux anecdotes à ce
sujet : Lorsque mon collègue et ami
Patrick et moi-même avons lancé notre projet de coaching interne dans un
établissement scolaire lausannois, nous avions tout prévu…sauf la quantité importante
de mouchoirs que nos client-e-s allaient utiliser dans les premiers mois de
notre aventure : ce qui nous a paru un détail s’est avéré avec le recul la
preuve que notre offre couvrait un réel besoin et que nous avions sans doute
permis à beaucoup de personnes, par notre seule présence dans un premier temps
puis par notre accompagnement certes un peu maladroit au début, à commencer un
processus de reconnaissance de soi essentiel. Après avoir demandé un retour
suite à une intervention autour du burn-out dans un établissement du chablais
vaudois, j’ai reçu un message m’informant que « tout s’était bien passé même si dans mon atelier certaines personnes
avaient pleuré ». Je me suis dit alors que le problème était loin
d’être résolu dans cet établissement, la vulnérabilité et l’humanité n’étant
reconnues qu’à la condition que les acteurs continuent à entretenir le mythe de
la maîtrise et du contrôle : une maladie me semble-t-il encore trop
répandue chez les enseignants – les « maîtres » d’école – qui ont
souvent de très bonnes raisons de pleurer, étant aux avant postes des
dysfonctionnements du système tant social que scolaire. Après avoir écrit ces
quelques lignes, je ne sais pas encore à quel moment mon âme et mon corps
« ouvriront les vannes ». Alors que, avant mon burn-out, je retenais
toute cette « sainte eau », je me réjouis aujourd’hui à la fois de
pouvoir reconnaître sa présence légitime en moi et de la laisser surgir
librement, secouant au passage tout mon corps et me laissant ensuite dans un
profond sentiment de paix et de joie. Je ne peux donc que vous
encourager de pleurer quand le besoin se fait ressentir et sans aucune retenue
ni culpabilité : c’est une preuve de plus que vous êtes vivant-e-s ! |
Sommes-nous tous des requérants d’asile ?
Posted on 30 April, 2016 at 18:57 |
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« Chercher l’amitié, la donner, c’est d’abord crier : “Asile ! Asile !” Le reste de nous est sûrement moins bien que ce cri, il est toujours assez tôt pour le montrer. » (Colette) Depuis
quelques mois, comme certainement beaucoup d’autres personnes, je suis touché
par le sort des réfugiés, qu’ils viennent de Syrie, d’Erythrée, d’Afghanistan
ou d’autres pays comme ceux d’Afrique du Nord. Je
suis impressionné par les ressources, psychiques et physiques, que ces
personnes trouvent autant autour d’elles qu’en elles pour quitter leur terre, souvent
natale, leur patrie, leur maison, leur foyer devenus synonymes d’insécurité, de
survie, de violence et de mort. Je
suis également en admiration devant l’élan de vie, le courage, la
détermination, la persévérance et la confiance qu’il faut à ces adultes, à ces
parents, à ces enfants, à ces familles pour rejoindre une terre d’asile dont
ils ne connaissent souvent rien ou dont ils n’ont qu’une connaissance très
partielle à travers les récits d’autres personnes et ce que les médias décident
d’en dévoiler. Des lieux dans lesquels ils n’ont aucune garantie d’être
accueillis, devant anticiper soit un refoulement soit un hébergement
« durablement provisoire », parfois à la limite de la salubrité et qui
peut prendre la forme de détention – quand elle n’en porte pas carrément le
nom, comme en Grèce et en Turquie actuellement. Je
suis révolté face à la cécité et à l’égoïsme des pays, qu’ils soient européens
ou non, ainsi que face à leur incohérence, qui leur fait jouer tour à tour le
rôle de sauveur puis de bourreau. Je suis saisi par l’incapacité de ces mêmes
pays de trouver des solutions et de prendre des décisions humainement valables
en négociant pour se mettre d’accord sur des objectifs minimaux. Et,
pourtant, une part de moi comprend ces réactions. Pour être très honnête, je
suis moi-même obligé d’admettre que, à la question « Comment réagirais-tu
si on te demandait d’héberger une famille syrienne ou un couple
afghan ? », je me sens terriblement emprunté et partagé. Il y a la
peur de devoir négocier mon territoire, mon chez moi avec des personnes n’ayant
pas forcément les mêmes valeurs, indépendamment de leur lieu d’origine ou de
leur religion et, donc, de perdre certains acquis, certains repères ainsi que
mon confort. D’autre
part, je suis habité par un sentiment de culpabilité et d’impuissance devant
ces destinées qui me renvoient à ma condition humaine, à ma propre
vulnérabilité ainsi qu’à mes errances, symboliques et intérieures. Je
ne peux en effet m’empêcher de penser que nous sommes tous des requérants
d’asile et cela pour au moins deux raisons : Sans
oublier que l’Europe ne serait pas ce magnifique creuset de cultures, de
langues, de mentalités et de valeurs qu’elle représente aujourd’hui sans les
vagues successives de personnes voir de peuples cherchant sur nos terres
nourriture, emploi et sécurité matérielle, psychique et physique. Toute
proportion gardée, nous pourrions même faire un parallèle entre les flux
migratoires actuels et ce que nos manuels scolaires ont appelé ou appellent
toujours de manière abusive les « invasions barbares » qui ont marqué
la fin de l’Antiquité et le début du Moyen-Âge : il y a certes eu des
violences et des affrontements, mais, dans la réalité, le phénomène, qui s’est
déroulé sur plusieurs centaines d’années, a pris la forme d’une intégration
progressive des nouvelles populations au peuples présents. En raccourci, nous
sommes des descendants des Gallo-Romains, des Burgondes, Alamans ou
Wisigoths : tous des « requérants d’asile » cherchant une terre
d’accueil et des perspectives d’une vie meilleure. Puis,
d'un point de vue non plus historique mais plutôt psychologique voire
spirituel, il me semble que l’arrivée d’un grand nombre de réfugiés nous fait
également peur car ce phénomène nous renvoie à une réalité que nous avons de la
peine à admettre, quand nous ne la nions pas : chacun d’entre nous est la
recherche, consciemment ou pas, d’une terre d’asile intérieure. Dans
un monde que Christophe André,
psychiatre et thérapeute français, qualifie de « psychotoxique », les
violences ne sont pas absentes de notre quotidien et je ne parle pas
prioritairement des récents attentats de Paris ou de Bruxelles. Même si la
sécurité matérielle de la grande majorité d’entre nous est assurée, nous sommes
tous soumis à des contraintes et à des injonctions dont certaines mettent en
péril notre équilibre personnel et notre sécurité intérieure. Médias,
publicité, politiciens, dirigeants, enseignants et même coachs ou
thérapeutes : chacun de nous est susceptible de véhiculer des messages
porteurs de violences, symboliques certes, mais aux effets bien visibles. Si on en croit Christophe
André, notre estime de nous-mêmes repose sur trois piliers : le premier,
fondamental, est celui de la bienveillance vis-à-vis de soi
qui résulte d’un amour inconditionnel et indépendant des résultats ; la
vision de soi consiste ensuite en la capacité de s’observer de la
manière la plus objective possible, en accueillant ses points forts, ses
limites et ses doutes ; la confiance en soi représente pour
terminer la partie visible du triangle, puisqu’elle repose sur la capacité de
poser des actes, même petits et modestes, et donc de faire un pas après
l’autre. Ces trois piliers étant interdépendants, le fait de travailler sur
l’un d’entre eux permet aux deux autres de s’améliorer. Or,
notre société véhicule un certain nombre de valeurs qui sont tout autant de
freins et d’obstacles à la construction d’une bonne estime de soi : la
performance – qui nous fait dire que nous ne serons jamais assez bons,
assez rapides, assez performants, toujours en décalage, en retard ou en avance,
éternellement insatisfaisants donc insatisfaits – , l’apparence – qui nous
rend esclaves de ce que nous pensons que les autres pensent de nous, de
l’illusion que nous nous faisons de nous-mêmes et de celle que nous donnons à
voir aux autres – et l’abondance – ou la sur-abondance de
biens et d’informations, appelée aussi « infobésité », qui nous fait
croire que nous ne pourrons jamais être heureux si nous ne possédons pas au
moins tel bien ou un autre, si nous n’avions pas étudié ceci ou cela ou si nous
n’avons jamais visité tel endroit ou un autre. Les pressions, contraintes
et autres incitations plus ou moins explicites auraient ainsi un effet
nettement moins impressionnant si nous n’étions pas partie prenante en
intériorisant ces violences et en leur offrant un terrain fertile. Si
je m’appuie sur mon vécu, je dois accepter avec humilité que, si j’ai eu ou si
j’ai encore aujourd’hui l’impression d’être malmené, c’est parce que les
éléments extérieurs ne font souvent que déclencher, mettre en mouvement ou
accélérer des processus bien présents chez et en moi. Ainsi,
je me surprends ces derniers temps à me dire que je n’ai plus beaucoup de temps
pour moi alors que rien ni personne ne m’empêche d’en demander et d’en prendre,
si ce n’est ma propre culpabilité et ma peur d’écorner l’image que je me fais
de moi ou celle que je pense que les autres se font de moi. La gestion du temps
est par conséquent un faux problème : les vraies questions seraient
plutôt « À quoi est-ce que je n’arrive pas à dire « oui » chez
moi ? Quels sont les besoins que je ne veux pas entendre chez moi ?
Qu’est-ce qui fait chez moi que j’ai peur d’affirmer mes besoins et de les couvrir ? ». Nous
avons donc souvent appris à nous conformer aux besoins et aux attentes des
autres plutôt que de, aussi, écouter ce qui est important pour nous et pour
notre équilibre personnel. Mais, direz-vous, comment savoir ce qui est bon pour
nous si nous n’avons jamais appris à l’identifier et, à plus forte raison, à
l’exprimer ni à le faire valoir ? C’est
là que notre « terre d’asile intérieure » joue un rôle
primordial : c’est à mon avis dans notre intériorité, dans notre
« lieu refuge », notre « chez moi » que nous pouvons
trouver les réponses à nos questions et trouver le courage d’exprimer nos
convictions sans que celles-ci soient de pâles copies de principes éducatifs,
de slogans publicitaires, de lieux communs, de stéréotypes, de messages creux
et d’une langue de bois qui ne nous correspondent pas ou plus. Mais
comment trouver ce « chez soi » (ou, si on suit Jung, le « chez
Soi »), cette vie intérieure qui est à la fois ce qui nous caractérise le
plus et la dimension qui nous appartient le moins puisque c’est elle qui nous
relie essentiellement et de manière invisible aux autres, au Réel et à
l’Univers ? Je
n’ai pas la prétention de répondre à cette question de manière définitive ou exhaustive : je me considère comme un pèlerin qui, à travers la contemplation,
la méditation, l’écriture, le contact avec la nature et le compagnonnage le
plus complice possible avec son corps, son souffle et la mort tente de se
donner de la douceur et de rester autant que faire se peut en
lien avec sa terre d’asile intérieure. Un marcheur à qui la vie fait vite comprendre que le chemin emprunté n’est pas le bon s'il s'en éloigne. Accueillir
les personnes qui cherchent refuge et asile chez nous équivaudrait donc, en
plus de réfléchir à la capacité d’intégration de ces nouveaux arrivants dans nos tissus sociaux et
professionnels, de méditer sur la nécessité de nous intégrer nous-mêmes,
d’accepter notre propre condition d’être en recherche de lieux refuge et de
terre d’asile intérieurs en soi : notre société a beaucoup à offrir aux
migrants à condition d’accepter que leur présence nous renvoie à notre
humanité, à nos forces et à nos faiblesses, et, donc, à la nécessité d'accueillir le "requérant d'asile" en nous. Nous
ne sommes pas détenteurs de la vérité et les migrants non plus : seule une
acceptation des convictions et des besoins des uns et des autres permettra, par
un effort de négociation constant, de créer un monde différent. Et le nôtre en
a réellement besoin : n’oublions pas que le mot « crise »,
employé en parlant de la « crise migratoire » est synonyme d’
« opportunité » pour les Chinois et de « décision » pour
les Anciens Grecs – l’arrivée de ces personnes en détresse est donc une chance
pour nous et pour notre civilisation dans une période de transition à tout
point de vue. Références : C.
André, Imparfaits, libres et heureux.
Pratiques de l’estime de soi. Paris : Odile Jacob, 2009. Lire aussi du
même auteur, co-écrit avec François Lelord, L’estime
de soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris : Odile Jacob,
2008.
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Être excellent : quelle défintion pour quelle philosophie de vie ?
Posted on 14 February, 2016 at 5:42 |
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Être dans la joie de vie.
Posted on 22 January, 2016 at 10:54 |
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« Partout où il y a de la joie, il y a création. » (Henri Bergson) 22
janvier 2013 – 22 janvier 2016 : Mackoaching et le site www.mackoaching.net fêtent leur troisième
anniversaire. Confortablement
assis à mon bureau dans ma chambre de l’Hôtel de Ville de Rossinière, je
ressens le besoin de me prêter au jeu du bilan, certes intermédiaire – j’espère
du fond du cœur que l’aventure va continuer – mais nécessaire : ma
pratique me montre presque tous les jours que, pour définir la direction dans
laquelle chacun aimerait inscrire la suite de son itinéraire, un retour sur le
chemin parcouru s’avère pertinent et porteur de sens. Mais cela serait
oublier quels sont les réels besoins que mon activité d’accompagnement (qui
englobe la gestion du site ainsi que l’administration de l’entreprise) est
censée couvrir. Il me paraît en effet bon de
revenir à la « carte des phases du projet » (inspirée de
l’ouvrage de Thierry Des Lauriers, Manager un projet) que j’avais
réalisée avant même de me lancer. Voici ce que j’avais noté en octobre 2012
déjà : "Mes besoins
sont plus d’ordre personnel, philosophique et identitaire que matériel :
je n’ai pas besoin de ce projet pour « tourner » financièrement, mais
essentiellement pour VIVRE, pour me sentir exister, pour nourrir mon âme. Je ne
me vois en effet pas finir ma vie professionnelle uniquement dans le cadre
actuel (HEP, école vaudoise) et aimerais tenter ma chance ailleurs et
autrement. Je ressens également le besoin de rester un « solitaire
solidaire » et de garder une marge de manœuvre importante vis-à-vis de
celui/ceux qui me payent." Il n’est en
effet pas usurpé de dire que, si j’ai créé Mackoaching, c’est principalement
pour me ressourcer, autrement dit pour me permettre de nourrir et de rester en
lien avec ce qui de plus profond en moi, ma Source. Autrement dit, de me
relier. Un lien essentiel à qui je suis, certes, mais pas seulement :
cette « relation » ne se fait pas sans « reliance », sans l’indispensable
et essentielle relation aux autres et au monde. Et, après trois années de co-pèlerinages,
d’odyssées humaines accompagnées et d’aventures essentielles suivies de plus ou
moins près, je peux dire aujourd’hui que je suis resté en lien à ces premiers
besoins…et que je compte bien le rester pour la suite du chemin. Car, en plus
de la satisfaction et de la fierté, ce que je ressens aujourd’hui est bien plus
profond : j’éprouve de la joie. Ce n’est certainement pas un hasard que, en
cette période de bilan, j’ai fait la « rencontre » d’un livre sur
lequel je suis « tombé » nez-à-nez, en passant pour la millième fois devant
la vitrine du kiosque sous-gare à Lausanne : La puissance de la joie de Frédéric Lenoir. Sa lecture m’a en effet
éclairé sur les multiples raisons qui font que je ressens cette émotion
aujourd’hui et, comme le besoin qui se cache derrière la joie relève du
partage, je ne peux m’empêcher de livrer quelques conclusions au lecteur. Il y a d’abord la joie d’avoir le privilège,
lors des accompagnements, d’être tout entier présent et attentif à l’autre et à
moi-même, aux esprits et à leurs réflexions, aux cœurs et à leurs émotions
ainsi qu’aux corps et à leurs sensations.
Quand j’accompagne, je raisonne et je résonne, je pense, je panse, je vibre…et
je me tais, respectant le silence tant extérieur qu’intérieur, le mien et celui
de l’autre. Bref : je suis et je vis qui je suis, à la fois dans l’ici et
le maintenant et hors du temps, dans une bulle de permissions, un espace de
subversion, une dimension « extra-ordinaire ». Une sorte de
méditation à deux. La joie vient également des valeurs qui
sous-tendent les séances de coaching : la bienveillance, le non-jugement,
la confiance – des attitudes qui sont à la base de l’alliance nécessaire entre
l’accompagné et l’accompagnant et qui représentent également les fondements de
la finalité de tout accompagnement : permettre à l’autre de grandir, de
s’élever, de se déployer, de se réaliser. Et quelle joie de voir la même personne qui
était venue insatisfaite, voire prostrée, éteinte, parfois en larmes lors de la
première séance, repartir, après x séances, rayonnante, confiante, avec une
vision beaucoup plus claire du sens qu’elle veut donner à sa vie et, surtout, de
qui elle est, profondément, et de ce qu’elle a à offrir à soi et aux autres. La joie émane donc aussi –
et surtout ! – du processus, de la persévérance et de l’effort soutenu et
permanent de l’accompagné qui, pour le dire avec les mots de Henri Bergson,
« a tiré de soi plus qu’il n’y avait, (…) s’est haussé au-dessus de
soi-même » (cité par F. Lenoir, p. 80). Une joie partagée que le
« couple » coaché-coach vit d’âme à âme, de cœur à cœur et, parfois,
de corps à corps : je ne compte plus le nombre de fois que, avec l’accord
de ma/mon client-e-, nous nous sommes mutuellement pris dans les bras à
l’occasion d’un cap passé ou d’un obstacle surmonté. Et il n’est pas rare que les larmes montent
dans ces moments-là. À ce sujet, Frédéric Lenoir se demande pourquoi il nous arrive de pleurer lorsque
nous sommes dans la joie et arrive à la conclusion que, dans certaines
situations, « la joie vient d’une épreuve surmontée » et, donc,
« au milieu même de notre joie, nos larmes expriment la douleur qu’il a
fallu traverser pour remporter cette victoire (…) Elles constituent l’ultime
trace d’une tristesse surmontée » (p. 185). En faisant référence aux
parcours de vie des personnes accompagnées ainsi que de mon propre chemin de
vie, notamment de ces huit dernières années, je ne peux que partager l’analyse
du philosophe français. Une autre source de joie, forte et profonde,
est liée au fait que, en tant que coach, je ne m’autorise pas à avoir d’attentes
envers la personne accompagnée : mon rôle consiste à l’aider à
s’aider elle-même, à lui permettre d’atteindre les objectifs qu’elle s’est
fixée. Il ne s’agit donc en aucun cas d’imposer des choix personnels qui sont
certes pertinents pour moi mais pas forcément pour l’autre. Ou, pire encore, d’utiliser
ma cliente ou mon client pour couvrir les besoins de reconnaissance, de
contrôle et de résultats si chers à mon ego. Au-delà du salaire que je touche à
la fin de chaque séance (et vis-à-vis duquel je ressens à chaque fois un
mélange de satisfaction et de gêne), c’est cette gratuité – aux antipodes d’une
recherche de bénéfice utilitariste et matérialiste – qui me réjouit. mes proches, tout
particulièrement Christine, ma femme, ainsi que Félix et Audrey, mes enfants, pour
leur soutien inconditionnel ; mes ami-e-s (dont certain-e-s portent parfois
la casquette de « collègues ») qui se reconnaîtront et qui représentent
autant de coachs, d’ « amis critiques » qui m’accompagnent tant du
point de vue personnel que professionnel sur mon chemin de vie. En guise de conclusion, j’ai envie de dire
que ce qui me rend fondamentalement joyeux, que cela soit par rapport au projet
lié à mon entreprise ou aux accompagnements individuels, c’est d’avoir le
sentiment profond de servir la vie et d’être là où la vie veut que je sois aujourd'hui pour
qu’elle puisse, à travers ma présence et mon être, souffler la joie et la force
de création dans la vie des autres. Un coach n’est finalement « que »
un humble passeur qui permet aux personnes qu’il accompagne de se relier à
elles-mêmes, aux autres et à la vie dans un travail de création permanent. Tout
simplement. À ceux qui lisent ce billet, un merci du fond
du cœur pour votre intérêt : j’espère que mes propos participent à votre
joie créatrice de vivre et je vous souhaite, si ce n’est pas déjà le cas, de
trouver la place que la vie vous destine pour la servir au mieux et au plus
près de vos valeurs, de vos aspirations et de vos compétences. |
Être ou avoir été un chat
Posted on 12 July, 2015 at 9:53 |
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Être en colère
Posted on 30 May, 2015 at 15:57 |
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Je
ressens le besoin aujourd’hui de parler d’une des quatre émotions de base et
probablement la plus déroutante : la colère. « Dé-routante »,
elle l’est pour au moins deux raisons : 1. La
colère peut nous faire sortir de nos gonds, donc être à l’origine de
« sorties de route » lorsque, subjugués et asservis par elle, il n’y
a plus de pilote dans notre véhicule. 2. En
ce qui me concerne, c’est probablement l’émotion qui me questionne le plus et
me met le plus face à mes propres limites. Normal, me direz-vous, puisque,
comme je viens de le souligner plus haut, une de ses caractéristiques est de
nous faire perdre le contrôle de nous-même. Jusqu’à
mon burn-out, cette émotion portait à mes yeux clairement une étiquette
négative : je ne voyais pas d’un bon œil le fait d’être en colère
justement à cause de ses effets « dé-routants » qui risquaient
fortement de casser l’illusion, l’image parfaite et lisse de la personne qui
s’était fixé pour but d’être irréprochable, de ne surtout pas faire de vagues
au nom de la sacro-sainte harmonie et – raison difficile à avouer – d’être aimée
et appréciée de tous. Or,
comme le dit très justement Lytta Basset (Au-delà du pardon. Le désir de tourner la page), il n’est pas juste que, dans la Bible hébraïque, Dieu se mette 170 fois en
colère et les humains seulement 40 fois. En s’interdisant d’être en colère et,
par conséquent, de me mettre en colère, j’ai ainsi collectionné ce que
l’Analyse Transactionnelle appelle des « timbres
psychologiques » : comme pour les cartes de fidélité dans certains
restaurants, tea-room ou stations-services, chaque colère était soigneusement
« stempelisée », débouchant sur une gigantesque éruption volcanique
au moment où il n’y avait plus de place pour un prochain timbre sur la dite
carte. Le burn-out peut ainsi être vu comme le résultat d’un cumul successif de
colères non vécues et non exprimées. Donc comme une forme de violence contre
soi-même. Inlassablement
et régulièrement, j’ai d’abord appris, comme le prône Thierry Janssen, de
« métaboliser » cette émotion, c’est-à-dire de « l’accueillir
comme une nourriture et de respirer profondément », ce qui a pour effet
que « notre émotion s’estompe, son information génère des idées nouvelles
dans notre pensée et son énergie devient disponible pour une réponse adaptée à
la situation » (cf http://www.thierryjanssen.com/images/chroniques_psycho/chronique_psycho_2015_05.pdf.) Pour
se faire, j’ai introduit dans mon quotidien des techniques de méditation et de
visualisation que j’utilise régulièrement et qui ont également pour but d’éviter
que la colère se transforme en ressentiment contre la personne, la situation ou
le contexte déclencheurs. Car, comme le souligne Christophe André dans Les états d'âme. Un
apprentissage de la sérénité, le piège dans lequel je
tombais et je tombe encore souvent, c’est de ruminer et d’entretenir une colère
qui dure, qui dure, qui dure…et qui débouche sur les effets dé-routants
énumérés plus haut ainsi que sur une spirale qui peut parfois s’avérer
infernale, car elle a pour conséquence de m’installer dans un rôle de victime
incapable de voir une issue à la situation. Ainsi, grâce à la fois à l’accueil de la colère et à une forme de
distanciation, le fait de laisser de la place à la colère sans lui
laisser toute la place permet tout d’abord de ne pas en être esclave
puis de se poser quelques questions-clé à tête reposée. Une des premières interrogations qui surgit alors chez moi vise à
connaître le besoin qui se cache derrière cette émotion. Si je m’en réfère au
livre de Christelle Petitcollin, Émotions. Mode d’emploi, la colère
exprime principalement le besoin d’être respecté. À chaque situation générant
de la colère, j’en viens donc à me demander ce qui n’a pas été respecté chez
moi : quelles valeurs, quels besoins, quelles limites, quels principes et
aussi quelles croyances. J’irais
cependant plus loin que l’auteure française en disant que, si je suis honnête
avec moi-même, mes colères ne mettent pas seulement de la lumière sur mon besoin
d’être respecté, mais aussi sur celui de me respecter. Je réalise en effet souvent que ma colère vient aussi
du fait que j’ai de la peine à me faire entendre soit en amont soit en aval de
la situation à l’origine de l’émotion. Dans les
faits, je me laisse parfois piétiner plusieurs fois, soit par les autres ou,
pire encore, par moi-même : parce que je n’ai pas été respecté, parce que
j’ai parfois en partie contribué à cet état de fait, parce que j’ai peur
d’entreprendre des démarches pour me faire respecter et parce que tout cela me
met en colère contre moi-même. Car, comme
le dit très justement Pierre Pradervand dans Vivre sa spiritualité au quotidien, l'agression
extérieure peut souvent être interprétée comme la manifestation et la matérialisation
d'une agression intérieure envers soi-même : la colère ressentie vis-à-vis
d’un déclencheur externe peut déboucher sur une forme de maltraitance vis-à-vis
de soi – un schéma que les personnes victimes de harcèlement ou de mobbing
connaissent bien…ainsi que les personnes qui ont vécu un épuisement
professionnel. Ce
constat soulève deux questions : 1. que
faire avec les colères déclenchées par des conditions externes ? 2. que
faire avec les colères que je m’adresse à moi-même ? Je
rejoins entièrement Lytta Basset (toujours dans l’ouvrage cité plus haut)
lorsqu’elle avance que la réponse aux deux interrogations ci-dessus revient tout
d’abord à se donner le droit à la colère, une « colère féconde », « expression
légitime » de soi-même et « force de vie » indispensable pour
faire face aux injustices. Pour ensuite user de sa « capacité à confronter
autrui » sans attendre nécessairement réparation. En
cela l’outil OSBD, emprunté à la CNV (Communication Non Violente), est une clé
qui m’aide souvent à voir clair dans ma responsabilité dans la situation et à
rétablir l’équilibre dans la communication en exprimant mes observations, mon
ressenti ainsi que mes besoins pour conclure par une demande dont j’envisage
qu’elle peut être acceptée mais aussi refusée par l’autre. Afin
de passer par l’acte avant de passer à l’acte, il m’arrive de mettre
mes éléments de réflexion par écrit avant de les transmettre oralement ou de
rédiger une lettre ou mail que je fais lire à une personne extérieure à la
situation avant d’envoyer le message dans les situations où il est soit
préférable, plus judicieux de passer par l'écrit ou impossible de communiquer oralement. En
effet, les colères les plus difficiles à vivre pour moi sont celles qui sont en
lien à des violences institutionnelles pour lesquelles il n’y a souvent pas
d’interlocuteur clairement identifiable. Une lettre fictive que je déchire ou
brûle ensuite me permet de me rendre justice sans pour autant me prendre pour
le Justicier. Si
je devais résumer mes ombres, autant de sources de lumière, je dirais que
toutes sont en lien à une blessure d’amour et un sentiment d’injustice et d’abandon
qui remontent à très, très loin dans mon histoire de vie : la
psychogénéalogie m’a même permis de faire la paix avec des parents partis
beaucoup trop tôt et dans des situations de violence extrême. Pour
le dire avec les mots du philosophe américain Henry David Thoreau, "il n'y a qu'un remède à l'amour : aimer
d'avantage". Le fait d’ « érotiser » ma colère, donc de m’y
installer, ne fait qu’empirer le phénomène, puisque je persiste à entretenir ce
que Hannah Arendt appelait la « banalité du mal », soit la violence qui
sommeille en chacun de nous, alors qu’une logique de « banalité du
bien » (Matthieu Ricard) me permettrait de me donner de l’amour, de la
compassion et de la joie pour pouvoir sortir de ce cercle vicieux. Même s’il semble
indispensable dans la pacification vis-à-vis de ses colères, ce travail de
réconciliation avec ses propres blessures n’est de loin pas chose aisée et, en
ce qui me concerne, c’est et ce sera le travail de toute une vie. Ce qui est à
la fois rassurant – j’ai donc le droit à plusieurs essais ! – et source
de….colère. En effet, une de mes ombres est l’impatience liée à un besoin de
contrôle et de Toute-Puissance, deux besoins censé calmés mes anxiétés
existentielles et mes angoisses de la mort. La quête continue donc. Si possible
dans la paix plutôt que dans la colère. Quoi que…. Pour conclure, j'aimerais parler d'un autre besoin que la colère met à jour : celui du changement. En effet, lorsque cette émotion me saisit, je m'entends souvent penser : "Ça suffit ! Ça ne peut plus continuer comme ça ! Il faut que ça change !". Changer certes, mais quoi et comment ? Faut-il changer la situation ou la personne qui ont déclenché la colère ? C'est parfois possible, mais souvent très difficile voire improbable. Faut-il alors changer sa manière de voir la situation ou la personne ? Si oui, quel impact ce travail aura-t-il sur la perception que j'ai de moi-même ? Quel changement suis-je d'accord d'apporter chez moi pour mieux vivre la situation ? Ou, dans certains cas, ne vaut-il pas mieux changer de situation ou quitter la personne pour se distancer définitivement ? Car, ce que la colère nous apprend aussi c'est de nous positionner, d'affirmer clairement nos limites, synonymes non de faiblesses mais de forces, et, donc, de se différencier sans attendre que l'autre - la situation ou la personne - le fasse à notre place. Or, ce questionnement est souvent trop complexe et touche à trop de zones d'ombres et d' "angles morts" chez nous pour qu'il puisse se dérouler valablement seul. Pourquoi ne pas suivre le conseil de G. Le Cardinal : "Soyez autonome, demandez de l'aide" ? Bonne suite de chemin à toutes et à tous, en compagnie (ou pas) de vos saintes colères. |
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